J'ai mal au ventre.
C'est affreux d'avoir mal quelque part dans son corps, on a l'impression que l'esprit le suit. Il se dilue, se disloque lentement, comme s'il était freiné par quelque chose d'invisible mais de sensible. La douleur physique semblabla à une courroie qui tire en arrière l'esprit ; il me devient difficile de penser. Une sorte de menotte interne, qui empêche d'agir normalement, non seulement parce qu'on a mal, et aussi parce que, comme je le disais plus haut, ça freine l'esprit, mais aussi parce qu'on est furieux d'avoir mal, on s'en veut de cette douleur, et, invariablement, ça incite à broyer légèrement du noir.
Je ne comprends pas comment on peut souhaiter être malade. Ceux qui aspirent à cela, même sur le ton de la plaisanterie, j'ai du mal à les comprendre. Généralement, j'ai pas mal d'humour, je comprends, mais là, non. C'est si désagréable, de se sentir mal.
Tout est différent.
Stefan Zweig est un grand auteur.
Erik Satie est un être étrange, que j'aurais aimé connaître. Mettre des anotations absurdes sur ses compositions, écrire des mélodies simples, étranges, aux harmonies comme au-delà du réel, se créer une religion a lui tout seul, faisant ses propres bulletins paroissiaux pendant des années, remplis d'un humour décalé, jouer sur la calligraphie, faire des essais esthétiques de signature, créer des dessins étranges, vivre dans une vieille bicoque, dont la chambre, remplie de propectus de concerts, de dessins, de gribouillis, d'essais de compositions et de nouvelles est interdite à ses amis, descendre aussi bien au Lutecia qu'aller jouer du piano dans un bar ; voilà ce qui m'attire chez lui. Quelqu'un de décalé, hors du commun. Pas enraciné dans l'apparence.
En fait, voilà ce que je recherche : des gens qui sont capable d'être eux, seuls. Pas comme j'ai tendance à l'être : souvent, j'ai un comportement différent seule, et en communauté. Comme si j'étais en représentation en communauté. Lorsque je suis avec des amis en voyage, ou à une fête, si je vais à un moment seule, malheureusement la plupart du temps je me dis : "Pensent-ils à moi à présent? Se demandent-ils ce que je fais? M'entendent-ils?". Toujours ce besoin d'être remarquée, même lorsque je suis absente. Toujours ce besoin de briller. J'ai envie de me gifler parfois, d'avoir ce besoin. Aujourd'hui, je réussis un peu, peu à peu, à m'en détacher. Très lentement. C'est difficile. J'ai tellement besoin du regard d'autrui. Heureusement que je suis lucide à ce point de vue-là.
J'ai envie de lire.
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Au fait, je viens d'y penser : il m'est arrivé un truc incroyable ce matin : je me promenais dans la rue, place d'Alesia exactement, lorsque je me sens aggrippée par le bras (tiens, comme dans mon rêve d'Emile, je ne le remarque qu'à présent). Je me retourne, et j'ai à peine le temps de remarquer un jeune homme qui s'approche de moi, qu'il m'embrasse! Le temps du baiser, qui dure à peine trois secondes, j'essaie de réaliser ce qui m'arrive, je suis encore dans ma bulle. Brusquement, je réalise vraiment, et je rejette ledit personnage, un peu paniquée. Il s'écarte d'un demi-pas en arrière avec un sourire radieux, et me dit : "Merci, c'était bien. Vous êtes jolie." J'ai l'impression d'être en train de délirer, un charmant jeune homme d'une vingtaine d'années, à peine (oui, j'ai eu le temps de réaliser, il est vraiment très beau, il me dépasse d'une dizaine de centimètres, les cheveux noirs en broussailles, les yeux d'une couleur que j'ai oubliée, assez pénétrants) vient de m'embrasser en plein milieu de la rue, en me disant des paroles tout aussi charmantes ! Il ajoute : "Désolée de t'avoir interrompue dans ta rêverie, tu aimes Rimbaud?" Je balbutie : "Heu, oui, beaucoup." (Je crois qu'en fait, je ne réalise toujours pas) Il commence à réciter ma Bohème : "Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées..." Là, je ris, bafouille, et je complète : "Mon paletot aussi devenait idéal...". Et lui achève : "J'allais sous le ciel, Muse, et j'étais ton féal." La scène complètement surréaliste!! Il ajoute : "Le ciel de la rue d'Alesia", et il me baise la main, dit encore "merci mademoiselle", fait semblant de soulever un chapeau imaginaire, et disparaît dans la foule.
Hallucinant. J'ai mis dix minutes à réaliser ce qui venait de m'arriver, plantée debout, au milieu de la rue. Les gens passaient devant moi, je ne les voyais même pas. J'étais perdue ailleurs.
Pourquoi est-ce que je ne me suis pas jetée sur lui?? Pourquoi je ne lui ai pas couru après?? Je ne sais même pas qui il est! Ahhhh, ça m'énerve!! Le genre de garçon formidable! Grand, beau, jeune, qui aime Rimbaud, un des mes poètes préférés avec Baudelaire et Mallarmé, la répartie facile, audacieux, habillé artiste-destroy-chic, (enfin, peu importe le style vestimentaire, l'intérieur compte plus, mais c'est juste un détail en plus qui me plaît), galant (bon, un peu séducteur, sûrement).
Je pensais que ce genre de choses n'arrivait que dans les films! Ca m'arrive à moi, ce matin! POURQUOI je ne lui ai pas demandé son nom?? Je vais revenir en pélerinage tous les jours à la même heure rue d'Alesia, moi!
Dingue, dingue, dingue.
Oui, je passe d'un sujet à l'autre avec une facilité incroyable. D'une réflexion métaphysique sur Erik Satie et le regard d'autrui à un épisode superficiel de ma vie passionnante, bien évidemment.... (non, je n'ironise pas....)
Ca m'agace vraiment, ce genre de situation parfaite où j'oublie de demander l'essentiel. !
A se donner des baffes!
Inspirations soudaines :
Oui, moi aussi je croyais que c'était un rêve... Bah dis onc, t'en as de la chance ! C'est pas à moi que ça arriverait... lol.
Bon, bah remets toi de tes émotions ! ;) à+
Re:
Oui, trop drôle!! Il m'en est arrivé des choses tordues, mais jamais à ce point.
Mallarmé, j'ai beaucoup de peine avec ce poète. Par contre, j'adore Baudelaire et Rimbaud. Il faudrait que je me remette à la lecture.
Tellement...
Jennifer, si je peux te suggèrer un poème de Mallarmé : Brise Marine. Superbe. Au fait, qui est ce mystérieux auteur de la Saucisse je-ne-sais-plus-trop-comment, du livre que tu m'as conseillé?
Re: Tellement...
Lien croisé
J'ai adoré cet article :)
Surtout la deuxième partie...
Un gars qui t'embrasse dans la rue, et te cite Rimbaud, si en plus il est beau, c'est presque un miracle, non? ;)
Et puis tu le raconte très bien, à tel point que l'on a presque l'impression d'y être et de vivre le film de la scène :)
Chrysalide
Re:
Lorsque je me rémémore ce jour-là, j'ai toujours l'impression que c'est un bout de rêve... Vraiment, quelque chose de complètement fou! Il avait un sacré culot, le mec! Et en même temps, c'est ça qui a fait tout le charme... uhu!
Je n'aurais pas dit non pour le recroiser...!
;)
Re: Re:
Si je croisais un mec comme ça, je ferais le pied de grue à l'endroit ou je l'ai aperçu jusqu'à ce qu'il repointe le bout de son nez... ou qu'un autre plus beau le fasse pour lui. Lol
Et puis, c'est vrai que c'est ça qui fait tout le charme :)
C'est pas banal, ce genre de comportement, et tellement imprévu que l'on réagit toujours une fois qu'il est trop tard, que le gars est déjà reparti
Tu ne t'es pas demandé si il faisait ça à toutes les filles qu'il croisait? C'est peut être un nymphomane-embrasseur. Lol. Dans ce cas, mieux vaut ne pas le recroiser, sauf en cas de manque de bisous. Lol
Chrysalide
Eline
Ben honnêtement, je pensais aussi que ce genre de trucs n'arrivaient que dans les films...
J'ai écarquillé les yeux quand j'ai lu ton article...
Honnêtement, au début, j'ai cru que j'avais loupé une ligne et que c'était un rêve ou un truc du genre...
Je comprend que tu ai été surprise et que tu n'es rien fait...
Bizoux