Lorsque dimanche, je t'ai vue si ébranlée, si fragile, j'ai eu envie de te serrer à t'en étouffer dans mes bras. Mais je n'ai pas... osé, peut-être. Tu semblais si perdue, à la fois terriblement fragile, et animée par l'espoir de sortir de ce gouffre étrange dont tu ne m'avais pas parlé. Un mélange entre un soupçon de colère contre ceux qui t'entourent mais ne voient pas ta souffrance, une douleur immense, une angoisse terrible de te scindre en deux, c'est ça qui te fait le plus peur, je l'ai senti, cette peur de dire une chose puis son contraire quelques instants après. Tu avais peur, peur, même si l'on n'aurait pas vraiment dit que tu étais si mal que tu le disais. Je dis cela, parce que je sais que tu deviens plus pudique, et que comme moi, lorsque tu souffres, tu t'en veux un peu de souffrir, et tu es partagée entre l'envie d'extérioriser par des mots, et le désir de te taire, parce qu'à quoi bon en parler, en parler, et ne pas guérir.
J'ai eu envie de te serrer dans mes bras.
Pourquoi est-ce que tu ne m'en avais pas parlé? Et je n'ai rien vu. Ou presque. Cela faisait quand même des mois que j'avais bien vu que tu devenais plus mûre, plus réfléchie, que tu t'interrogeais plus, et que tu remettais en question. Tu m'en parlais, tu mettais des mots dessus. Mais ce qui t'es arrivé durant les vacances, cet ébranlement complet qui a fini par te pousser dans cet état d'épuisement que tu m'as décrit, tu ne m'en as pas parlé. Je ne savais que c'était à ce point. Je le sentais, mais tu gardais malgré toi ce masque, que tu m'as décrit avant-hier, cette jolie façade du sourire malgré tout, parce que, oui, on a parlé deux heures de ce qui n'allait pas forcément toujours très bien, mais ça va quand même, hein. Et moi, je le croyais, je le pensais.
Mais en fait non, tu as senti que tout s'effondrait de l'intérieur, et je t'ai vue si démunie, cet après-midi là, dans ta chambre. En fait, non, je ne te voyais pas démunie, tu avais minci, perdu tes kilos en trop que tu traînais depuis des années, je crois que je ne t'avais jamais vue aussi jolie, posée, attentive, touchante. Mais ce que tu disais, c'était comme tu tentais d'arracher avec les doigts quelque chose qui saignait en toi, sans y parvenir, alors tu te posais la question : est-ce que je continue, est-ce que ça sert à quelque chose de vouloir baisser les bras, de vouloir couler un bon coup pour mieux redémarrer ensuite, ou est-ce que je dois continuer à me battre, à me battre, peut-être jusqu'à l'épuisement? C'est si difficile de te guider, dans ces moments-là. Et pourtant.
C'est étrange, parce que paradoxalement, tu as l'air de mieux en mieux, physiquement, plus mince, plus droite, plus jolie, plus rayonnante, peut-être, mais c'est à l'intérieur que tu me dis que ça va si mal, si mal, au point que l'autre jour, tu ne tenais plus debout en classe, tu m'as dit.
Je ne parviens pas à le penser réellement, que ça va si mal que ça, je n'arrive pas à réaliser, parce que ton sourire si fragile, ton visage si pur contrastait tant avec tes mots comme souillés au charbon, heurtés, ce fleuve verbal qui sortait de toi, puis s'interrompait soudain, les mots qui trébuchaient, et puis les larmes, ensuite, un peu, et la voix qui tremble de plus en plus.
Ce qui fait que j'aimerais avoir peur pour toi mais je ne parviens pas, je m'en veux, je ne comprends pas pourquoi je ne parviens pas à être dans un état de tristesse, de panique. En fait, si, je sais pourquoi. C'est parce qu'après avoir parlé, tu avais l'air bien mieux, et dans ton discours, il y avait quand même des lueurs d'espoirs ; tu avais cette lucidité qui faisait que tu te demandais si tu ne voyais pas tout ça à travers le prisme de tes "idées noires". Peut-être qu'un peu, comme à chaque fois que l'on se sent couler, oui, mais je crois que fondamentalement, il faut que quelque chose change. Tu ne peux plus t'accrocher à du vide, à des proches qui ne le sont pas tant que tu le voudrais, du moins pas sur le plan que tu voudrais, tu as besoin qu'on t'écoute, Kami, tu en as besoin.
J'ai envie que tu sois là, et de te serrer dans mes bras.
Je ne parviens pas tout à fait à ruminer suffisamment, à être dans cet état où l'on, s'inquiète vraiment pour un proche, parce que je n'ai rien vu, enfin si, je sentais, mais je ne pensais pas que c'était si grave que tu le disais. Et même quand tu l'expliquais, dimanche, tu mettais une certaine distance entre ça et toi, toujours déchirée entre l'epxression de cette souffrance, et le doute, est-ce que c'est bien de la souffrance, est-ce que ce n'est pas une exagération?
Je ne pense pas que fondamentalement cela en soi, non, tu as besoin que quelque chose change, tu as besoin qu'on t'écoute.
Je ne veux pas te laisser couler, Kami, pas plus que tu n'es à présent. Même si ce n'est pas à moi de te prendre en charge, et que je sais que tu as besoin de tes parents, terriblement, et qu'ils ne sont pas forcément là comme tu le voudrais, et qu'il semblerait que je te comprenne mieux qu'eux.
Je ne te laisserai pas couler, Kami, je ne te laisserai pas.
Même si j'ai la sensation que tu ne vas pas couler.
Je me contredis moi-même ; je n'arrive pas à réaliser vraiment que tu souffres autant que tu le dis, puisque tu avais l'air si naturel ensuite, avant, même pendant. Et puis nos rires ont quand même fusé, il y a eu cette complicité, et cette détente, ensuite, nos bavardages, mes mots aussi, j'ai aussi un peu vidé mon sac, notre résumé Kami la déprimée et Feu qui s'ennuie dans sa vie, c'était facile à dire, bien sûr, mais ça fait du bien de prendre de la distance avec tout ça, aussi. Comme tu le voulais toi-même, tu ne voulais pas m'inviter pour m'accabler avec ta tristesse, tu avais envie de rire, de légereté, de bavardages croustillants, et des explosions de nos rires.
Alors, en fait, je ne sais pas exactement comment tu vas. J'aimerais savoir exactement. Et en même temps, non, ne pas se laisser happer, toi-même tu ne veux pas tout déverser sur moi.
Mais je suis là. Tout près.
Tout près de toi.
Inspirations soudaines :
Re:
C'est ça qui est difficile, c'est qu'il faut manoeuvrer en finesse, ne pas la prendre pour une grande blessée de la vie, mais ne pas non plus fermer les yeux. Il faut être là, donner de soi-même sans se laisser enfermer dans la spirale de tristesse non plus. Etre forte pour deux.
Mais c'est à ça qu'on reconnaît, je crois, la valeur des amitiés. A la force d'implication que l'on met, pour aider l'autre dans ces moments-là. Et lorsque ça va mieux, on se sent si heureux. Pour deux.
Etre forte pour deux, faudrait deja etre forte pour moi toute seule...
Et le plus gros probleme c'est qu'elle ne s'en sort pas . Alors il faut toujours encore etre la.
Alors j'attends qu'elle aille mieux, encore et encore. Jusqu'a que moi j'en sois fatiguee, aussi, d'elle mais de ma vie.
Mais tant que ca ne viens pas on peut toujours esperer :)
Et c'est toujours dit si bien que par moment ça fait presque mal.
En fait, il me faudrait ton adresse e-mail si tu veux ma nouvelle adresse...
Re:
C'est vrai que ça n'est pas facile. Parce qu'on a peur de froisser l'autre en la considérant comme déprimée, et on a peur aussi de ne pas être assez à l'écoute. Parce que l'autre a en elle un mélange de fierté, de tristesse, d'appels à l'aide, de sursauts d'espoirs, et puis de grands plongeons dans le noir. Et pourtant, c'est ça qui rend l'écoute de l'autre si belle, c'est cette difficulté à surmonter.
Pour mon mail, où est-ce que je peux te le donner? J'aimerais bien ne pas avoir à l'écrire ici... C'est possible de t'écrire un article, sur ton blog?
J'ai pas grand chose à dire, pas envie de faire de commentaires, mais je voulais juste dire que ton article m'a vraiment touchée. (Parce que je m'y suis retrouvée.)
C'est affreux de se sentir profondément désemparée devant la détresse de quelqu'un qui nous est si cher, comme ça.
Re:
Et puis je comprends que tu comprennes. (enfin tu vois) :)
kammika
Alors il faut attendre que ca passe, parce qu'on peut pas la croire, si. si mal. si demandeuse d'aide (pas tres fransozich tout cela).
Tout ce que je peux dire est qu'il aut toujours etre la a sa demande, mettre de cote ses revendictions d'egalite et ses doutes sur l'autenticite de ce qu'elle ressent, parce que elle a besoin juste de cette main toujours tendue. meme si c'est dur de toujours faire les premiers pas pour pas qu'elle se laisse aller...
dur d'etre une amie hein ?