Ouah... Je suis épuisée! Etat formidable pour un troisième post, j'en ai conscience... J'ai passé ma journée dehors, debout, brandissant des objets hétéroclites et criant : "1 Euro les deux!", marchandant, persuadant que cet achat est le meilleur de tous les achats du coin, qu'on en trouvera pas deux pareils, qu'ici c'est moins cher qu'ailleurs, etc, etc. Vous l'aurez deviné, j'ai tenu un stand de brocante durant tout le jour!
Heureusement que celle dont je vous parlait il y a peu comme étant mon amie la plus proche était là. Il faut dire qu'on s'est bien amusées! Entre le marchandage, les baratins incroyables qu'on inventait pour vendre des trucs frôlant la camelote (ex : un petit éventail en bois et papier, comme on en trouve partout, percé de petits trous pour faire joli. Bref, un spécimen tout ce qu'il y a de plus commun. Une femme l'a à peine pris dans la main, que, d'un air connaisseur et détaché (important, l'air détaché, les clients détestent que l'on se jette sur eux!), je dis : "Hmm, il vient Chine. Le bois est travaillé, regardez les perçages sur le bois : il est dentellé. Du bon travail. D'autant plus qu'avec la canicule à venir, sans aucun doute, un éventail va devenir une denrée rare...". Si la cliente ne réfléchit pas beaucoup, elle devient soudain persuadée qu'il lui faut à tout prix ce magnifique éventail importé de Shangaï (de chez les Frères Tang), en bois finement travaillé et peintures délicatement tracées (en carton grossièrement décoré), qu'il lui faut absolument se procurer, compte tenu du soleil qui tape (si on lève le nez en l'air, on peut constater l'accumulation des gros nuages, et en baissant la tête, on peut voir sur le stand les traces des gouttes de pluies de la dernière ondée). Et voilà le travail! Je dois vous sembler être une horrible arnaqueuse, mais en général, si la personne n'est pas trop bête, elle se rend bien compte que je plaisante, rigole avec nous, et l'achète de bon coeur. En revanche, si elle ne comprend rien à mon barratin, soit elle le gobe tout rond, ce qui est assez rare, soit elle fait semblant de comprendre, et achète ledit objet, histoire de ne pas perdre la face! Et la, je suis bien obligé d'en profiter, mais bien entendu, pour des prix très modiques (je n'ai pas vendu grand-chose au dessus de 3euros...)
Donc, je reprends ma phrase... Désolée de toutes parenthèses! Entre le marchandage, les baratins incroyables, les fous rires, et le repérages de beaux spécimens (hum, chose incroyable, il y a un certain nombre de spécimen mâles vraiment pas mal du tout les jours de brocante, notamment lorsqu'avec un sourire à en faire fondre la banquise, ils vous demandent combien coûte ce vieux pin's rock'n roll, qui pourrait faire hyper hype sur leur blouson en jean, n'est-ce pas mademoiselle? Oh oui, oui, m'empresse-je de répondre, l'air passionnée par le pin's, et plus particulièrement par son potentiel acheteur... (vous voulez pas me prendre, gratuit, dans le lot, aussi??)), je dois dire que j'ai passé une bonne journée.
C'est tellement génial, ces jours de brocante, lorsqu'on est à la fois acheteur et vendeur, parce que l'on trouve des merveilles, et on vend des horreurs! J'exagère, on peut trouver des horreurs, que l'on achète pas, bien sûr, et l'on peut vendre des merveilles, mais on les cache loin derrière pour que seuls les fins connaisseurs et les vrais curieux passionnés aient la volonté d'aller chercher jusque là... (et le porte-monnaie?? ;D ).
Non, je n'arnaque pas, non, je ne cherche pas l'argent, malgré toutes mes petites allusions, coryez-moi! Au contraire, j'ai un tel plaisir à faire plaisir, que je brade, je marchande, j'ai parfois l'impression d'être dans le souk de Marrackech, une ville sublime. Disons juste que dans une brocante, le marchandage est un peu moins animé! Au Maroc, vendre sans marchander est presque synonyme de déshonneur! En fait, comment dire, j'ai un plaisir à donner de petits trucs sympas aux enfants, aux acheteurs du dimanche et du 36 du mois, et là j'écrase les prix. En revanche, j'ai aussi du plaisir à vendre des choses précieuses, vraiment intéressantes, rares, à des collectionneurs, des passionnés, et là, d'un accord tacite, nous fixons d'un certain prix, car nous connaissons la valeur de l'objet.
Mais il me semble bien que ce que je préfère est de brader. Voir les yeux d'un petit garçon briller de joie lorsque je lui vend pour 1 euro un carton rempli de billes de toutes les couleurs. Quel bonheur à cet instant complice!
Mes yeux se ferment tous seuls après cette épuisante journée...
Inspirations soudaines :
Hé, gazoil, 2 babouches pour 4000 dirhams!
Ca fait plaisir de recevoir des commentaires comme ça!
Oui, c'est vrai, je réalise que l'on ne sait toujours pas vraiment qui je suis! Peut-être est-ce justement cela qui en fait tout l'intêret ; j'entretiens le mystère, ou pas ? Il va falloir que je réfléchisse...
Tu as l'air de bien connaître le Maroc, tu y as longtemps voyagé? Habité? Le marchandage est un tel plaisir là-bas! C'est un monde qui semble si différent du "nôtre", de ces villes françaises, européennes, de Paris, des grands boulevards, des magasins où les prix astronomiques ou écrasés, quels qu'ils soient, ne peuvent bouger. Lorsque je marchande, j'ai l'impression de prendre vraiment part à mon achat! Ce n'est pas seulement le vendeur qui impose, le client aussi participe au choix de la valeur de l'objet. Et aussi toutes les phrases, si drôles, qui sont dites parfois... Un marchand m'avait offert une fois du "whisky berbère" (le bon coup pour attrapper les clients : ils te font entrer dans leur boutique, t'offrent du thé, te montrent deux trois trucs, et ça y est, tu ne peux plus en ressortir sans avoir acheté la moitié du magasin, à moins d'être très malin!), et me tendant un verre, m'invite à y goûter. Un peu surprise, j'en bois une gorgée : c'est du thé à la menthe! Un autre, me proposant ce même thé, me demande : "l'hospitalité, tu la veux sucrée ou pas?". L'hospitalité, c'est le thé! Et surtout, tout leur barratin si drôle pour te persuader que leur marchandise est la meilleure d'entre toutes : "Viens par ici, gazelle..." ; "Je t'ai attendu toute ma vie, alors achète cette tajine!" ; "Je vous échange votre fille contre 100 chameaux mehari si vous prenez ces babouches!", etc...
Allez, allez, l'éventail? Je te le fais 1 euro, pas cher, et en plus tu as le droit à un verre de whisky berbère. ;)
Guy-muses
Jti fé un prix d'ami, juste pour toi
Salut Feu, encore un article très bien écrit. C'est marrant, on ne sait toujours presque rien de toi et pourtant on prend plaisir à lire cette partie de ta journée.
Je connais bien les souk de Marrakech, et pas que de cette ville d'ailleurs. Agadir, Essaouira, Ifrane, ou même dans le désert. Partout où tu vas dans le Maroc, tu marchandes. C'est assez marrant comme on peut casser les prix en deux. L'expérience la plus marrante est bien entendue le marchandage du tapis marocain .
"Combien pour ce kilim?
-10000 dirams monsieur.
-Ouh la, c'est un peu cher ... 5000?
-Ca va pas être possible...mais attendez..j'appelle mon patron."
Le patron arrive.
"Vous voulez acheter un tapis monsieur c'est bien ça?
-Oui ce tapis, vous pouvez le faire à 5000 dirams.
-Ah très difficile, très bonne qualité monsieur... En plus vous savez je dois nourir ma famille...Bon écoutez pour vous je peux peut-être vous faire un prix spécial."
Là il essaie de vous prendre par les sentiments. Au final on peut l'avoir pou 6000. Et les exemples se multiplient pour des affaires de ce genre.
Hum bref, ce petit éventail, là, 50 centimes c'est possible? ;)