Ca fait quelques jours que j'ai envie d'écrire à ce sujet, mais, je ne sais pas pourquoi, je me refuse un peu d'en parler maintenant. Envie d'attendre "le dernier jour", peut-être, la dernière fois que je pourrai le dire vraiment ; envie d'atteindre l'extrême limite pour me retourner dessus, et en parler rétrospectivement.
J'ai dix-sept ans.
Et je n'ai pas envie de les quitter. Pour la première fois, véritablement. Depuis longtemps, je ne sais pas ; ai-je jamais eu envie de ne pas quitter un âge? Enfin, ce n'est pas tant le quitter, que ne plus dire : "dix-sept ans". C'est un si beau nombre, qui sonne si bien dans la bouche, dans la tête, dans les yeux. Dix-sept ans. Comme un éclat de liberté qui fait soudain irruption. C'est beau, dix-sept ans, porteur de tous les rêves fous amassés en un bouquet désordonné, c'est la jeunesse ivre qui court à en perdre haleine, ce sont les éclats de rire et de douleur jusqu'au ciel, l'envie d'avancer encore sans vraiment regarder, sans refléchir, juste à l'instinct, pour sentir et vivre, vivre, en respirant tout à pleins poumons, tout garder pour crier l'instant d'après, à gorge déployée, les bras en l'air, et les comètes qui fusent dans les yeux.
C'est tout ça, tout ce dont je sens une partie en moi, tout ce dont je me sens investie, tout ce qui m'anime, ce grain spécial des dix-sept ans, ce rire qui explose et court dans les veines, ces mots qui se pressent aux lèvres et qui grimpent de la tête jusqu'au plafond, cette musique folle qui galope jusqu'à être à bout de souffle.
La vie à en perdre haleine, oui.
C'est si beau à prononcer. Et pas juste parce qu'Arthur Rimbaud a un jour dit qu' "On est pas sérieux, quand on a dix-sept ans". Peut-être un peu, oui, inconsciemment. Mais quand même, quand même, ça rit dans la bouche, fusée multicolore, exaltation qui bondit, transport vertigineux des sens sans dessus dessous. Comme lorsqu'on court sans plus sentir ses pieds qui touchent le sol, un mélange entre sauts énivrants et atterrissage non-contrôlés, où les jambes semblent ne plus soutenir le corps, tellement on rit. Ebriété extatique.
C'est tout ça que j'aime, c'est cette sensation de vivre jusqu'au bout des doigts, de sentir vraiment, oui, de sentir vraiment la vie qui pétille au bout de la phalange, qui cogne sans bruit tout en hurlant de plaisir, à l'extrémité de la main, qui se vrille dans les bras et les jambes, la vie qui déborde de toutes part, qu'on à presque peine à contenir, tellement on se sent existant. En vie.
Ce hurlement délicieux de gaîté, ce cri un peu sauvage, tellement on ressent fort les choses, et si simplement, d'une façon si évidente : on prend les choses comme elles viennent viennent, et l'instant d'après, on sait se poser mille questions, on se freine sans le vouloir, on piétine, on butte, on trépigne d'impatience pour mieux repartir à bride abattue. C'est comme un cheval lancé au galop, qui, forcé de s'arrêter par un précipice, piaffe soudain, hésite un peu, puis s'élance, et remet pied à terre, non sans difficulté, un peu étourdi, un peu sonné, et enfin reprend sa course, encore plus fort de cette expérience que l'instant d'avant.
Métaphore un peu maladroite pour exprimer tout ça, ce tout, ce tout des dix-sept ans tel que je le ressens.
C'est tout ça, mes dix-sept ans. C'est du bonheur, de la souffrance aussi, un concentré de sensations. Oui, une densité. Voilà. Une densité. On a l'impression de pouvoir tout vivre, on veut tout, tout de suite, dans l'instant, et en même temps, il y a cette envie si forte de laisser le temps suivre son cours, pour savourer, pour goûter, lentement, sûrement, se délecter... et l'instant d'après, ce désir impérieux, cette sommation presque despotique de prendre, maintenant, et pas plus tard. Ce mélange d'intensité et de longueurs, d'envies immédiates et de suggestions dans la durée, de présent et de futur, de course et de pieds qui traînent, de mains lancées en avant, et de caresses retenues.
Un paquet de contradictions, qui, justement, ne se contredisent pas. "Juste" un oxymore magnifique, "Cette osbcure clarté qui tombe des étoiles", ce vers du Cid qui m'a accompagné depuis la quatrième ; un fil rouge du constraste qui fait frissonner comme une main qui s'appose fortement dans le dos, puis l'effleure seulement la seconde suivante, partout, toujours, sans aller trop loin, sans se brûler les ailes, juste assez pour sourire encore une fois, plus fort.
Il y a de tout, dans ces dix-sept ans, sans prétendre connaître le meilleur ou le vivre ; on expérimente, juste, on vit, on vit, et c'est tout. Pas de prétentions démesurées, on a juste envie, on teste, on suit des routes, on chemine, "juste" des ambitions, des désirs qui crient, et des volontés qui murmurent, des rêves à en revendre, et parfois même, un sens des réalités...
Alors, voià ; je les aime, mes dix-sept ans. Pas envie qu'ils se finissent. Même si je sais qu'un simple changement de nombre n'est pas un changement d'être, et qu'il ne tient qu'à moi de jouer les prolongations... Les prolongations de ces sensations qui me peuplent de partout, ces émotions et ces moments qui font ces belles années, prolongations des premières semaines qu'on transforme en un nouvel âge... dix-huit ans. A venir, dans un peu plus d'un mois et demi. Dix-huit ans, majeure, responsable ?... J'aurais envie de dire "Wait and see". Toujours mon esprit de détournement, je remplacerai par : "Live and see."
"Juste".
Inspirations soudaines :
Re:
On compare si souvent la vie à une route.
Dix-sept ans, c'est comme une borne kilométrique marquée « 17 km ». Un point qui marque une ligne.
On marche sur la route. On passe devant le kilomètre 17. On continue, il le faut bien. Le paysage est beau, calme, serein. On avance. On savoure ce moment. On marche. Oh ! le kilomètre 18 s'approche... Hélas ! On oublie alors que ce n'est qu'un point, une bête borne de pierre effritée, qui croit marquer la route, qui croit en être le pilier, qui croit en être l'essence.
Pourtant, l'important ce n'est pas cette borne ; ce n'est même pas la route. L'importante, c'est à la fois le marcheur et le paysage, c'est l'alliance des deux, leur reconnaissance mutuelle : le paysage vit dans les yeux du marcheur, le marcheur est porté par le paysage.
Alors, oublie les kilomètres, et bonne route à toi !
Re: Re:
Merci pour la bonne route!
Re: Souffle
Mais ne sois pas pressée, quinze ans, c'est très beau, aussi. Moi, j'ai bien aimé.
J'ai ressenti exactement la même chose avec mes 15 ans. Je voulais pas les quitter je voulais pas... D'habitude, entre trois mois et un mois avant la date de notre annivrsaire, on dit 'bientôt l'âge au dessus'. Moi, j'ai continué à dire 15 ans deux mois et demi après mon anniversaire. J'aurais voulu passer directement de 15 à 17, deux âges qui représentent pour moi... un peu tout ce que tu as expliqué au-dessus.
Puis bon, après deux mois et demi, donc, il y a eu un déclic. Trop long à expliquer. Toujours est-t-il que maintenant j'accepte et même aime mes 16 ans... (Ce qui ne m'empêchera pas, à mon avis, de me donner 17 ans trois mois avant la date^^)
Re:
Comme d'habitude, j'ai pas le temps. Mais je le prend deux secondes pour laisser un petit mot, parce que quand même, j'étais exactement dans le même état d'esprit que toi il y a quelques mois.
Juste pour dire que finalement, ça ne change rien du tout. J'ai fêté mes dix-huit ans en mettant dix-sept bougies sur mon gâteau, et en disant que je fêtais mes dix-sept ans et douze mois, ça a fait rire tout le monde, et pour moi ça changeait tout.
Deux mois après, j'ai toujours l'impression d'avoir dix-sept ans. Et ya vraiment rien de changer.
Voilou !
:)
Re:
Je crois que je comprends ce que tu ressens. :-) Mais il ne tient qu'à toi de continuer avec cette même densité...
Bientôt 28...
Or 28 = 30, tout le monde le sait, et 30 ans, là, c'est terrible!
;-)
Re: Re: Ana
;)
Re: Louise
Ouah, c'est bête, mais je viens de la réaliser, en écrivant ce commentaire.
Comme quoi, on peut toujours avoir des déclics, par des geste anodins, comme répondre à un commentaire... Wah! :))
souffle