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Esquisses

Un instant volé dans l’amphi, lundi après-midi.

Entre deux bavardages, j’ai senti l’envie monter en moi de dessiner, alors j’ai attrapé une feuille et un porte-mine, et je me suis mise à croquer le prof.
Le regard de
qui descend sur mes tracés. Qui le montre à . Ce dernier, qui approuve, me regarde. J’en fais un autre, on commente, ils aiment les postures dessinées.

Et puis, discrètement, je commence à croquer Raphaël. Qui est beau, à la lumière de fin d’après-midi.
Et puis, Chuck.

 

Du bout de mon crayon, je trace sur le papier son nez, son front. J’effleure de ma mine ses lèvres crayonnées, je redessine la courbe inférieure qui les relie à son menton, « fuyant », selon lui. Peut-être. Pas vraiment.

Et je le regarde, vraiment, de tout près. Mes yeux vont de ma feuille, sur laquelle ma main s’agite par à-coups, à son visage, auquel je jette de furtifs coups d’œil. Puis, plus hardie, puisqu’il est pour l’espace de quelques minutes mon modèle, j’ose le regarder plus longuement, détaillant du regard ses tempes, sa bouche, son oreille, ses cheveux.

Je sais qu’en moi-même, quelque chose me dit que je suis émue. Pourtant, j’ai cette sorte de confiance tranquille qui me dit que je n’ai pas d’amour pour lui.
Mais plus mon regard longe le contour de sa figure, plus je comprends que je me sens timide, tout de même. Un peu. Alors, je reprends de l’assurance, et je ris en le dessinant. Lui, n’ose pas regarder, il n’aime pas se voir en photo.
- Mais c’est un dessin, tu sais, alors n’aies pas peur.
- Je sais… J’appréhende toujours un peu. Ca me complexe ! dit-il en riant.
Puis, il pose un regard attentif sur ma feuille.
- Oh, tu dessines l’oreille… Ah, je complexe sur mes oreilles.
Et mon crayon dérape un peu, le jeu d’ombres et lumières sur cette partie de son visage est plu prononcé, plus difficile à capter.
- Oups, je vais te faire une oreille énorme…
- Ah oui, justement, mes oreilles sont énormes… !
Et je m’empresse de le contredire : « Mais pas du tout, elles sont tout à fait normales, tes oreilles. »
- J’ai beaucoup de complexes. Je n’aime pas mon corps en général.
Intérieurement, je le comprends et m’étonne à la fois. Je m’étonne, au premier abord, de façon un peu primaire, car comment quelqu’un que je désire (un tant soit peu) peut-il avoir des complexes ? Et, passé la micro-seconde d’étonnement, je le comprends si bien. Car en le dessinant, je remarque la petite bosselure de son nez, son menton qui fuit un peu, ce front étrange, ces oreilles un peu hautes. Je comprends les questions qu’il a pu se poser, face à son miroir. Et pourtant, une fois que l’on a vu chaque détail, l’ensemble est émouvant. Parce que c’est lui, Chuck. Il est désirable, il le sait. Il sait qu’il n’est pas un canon de la beauté. Je le sais aussi. Il sait qu’il a une sorte de charme, de beauté particulière qui lui est propre. Une attraction qui se dégage de lui. Je l’avais déjà remarqué. Il a une telle lucidité vis-à-vis de lui-même, qui me déconcerte et me ravit à la fois.
Et en le regardant ainsi détail par détail, je m’aperçois encore mieux que tous ces éléments, qui, pris en particulier pourraient ne pas être plaisants, forment un visage singulier. Oui, Chuck est singulier. Un visage beau. Remarquable. Dans tous les sens du terme. Remarquable, qui plaît. Et remarquable, car différent, dans sa particuliarité.
Et je réponds, agréablement surprise qu’il parle si librement de ses complexes :
- Ah bon ? Moi aussi, j’en ai. Et en ai eu. Pendant des années, je pensais que je n’arriverai pas à vivre avec mon nez. Et je me suis aperçue qu’il n’était pas aussi immense que je le croyais. Le seul truc qui subsiste aujourd’hui, c’est mon menton. Je ne l’aime pas trop, non plus. Un peu trop en avant à mon goût.
Et moi de tirer mon menton en arrière mon lui montrer la position que j’aimerai qu’il ait. Chuck sourit, et avance la mâchoire :
- Hm, voilà, il faudrait que le mien soit comme ça.
Ses maxillaires ainsi avancées lui donnent un petit air de bouledogue ; j’éclate de rire, et reprends mon crayon.

Il accepte de bonne grâce que je continue à la dessiner, je sens qu’il a envie de jouer le jeu.
Il regarde à nouveau mon dessin, alors que je crayonne la naissance de son cou.
- Tu as bien capté le menton. Fuyant. Oui, le nez, les lèvres, et le menton, c’est ça.
- Tu crois ? Ah, tant mieux alors. Mais ça ne te ressemble pas tout à fait. L’œil est un peu trop fou.
- Je m’y reconnais. Tu dessines bien.
- Merci. Attends, je vais un peu refaire l’œil…
- Tu as pris des cours ?
- Non, non… C’est mon père, qui m’a appris, depuis que je suis toute petite…
En riant, il fait : « Ah, ouf ! » en faisant de mine de s’essuyer le front.

J’achève simultanément le portrait de Raphaël. Je sens le regard de Chuck sur mon crayon, attentif.

En réponse à son « Ah, ouf ! », je lui dis :
- Si tu veux, je peux te dessiner plus simplement…
Et je crayonne un petit bonhomme tout simple, avec deux traits pour les jambes, un pour le buste, deux pour les bras, et un gros rond pour la tête. Et j’ajoute un instrument de musique, le sien.
Il regarde, et rit.

A son tour, pour rire, il dessine avec un air satisfait une fleur enfantine. Je feins de l’encourager dans cette sublime démonstration d’art, et il esquisse un petit bonhomme à côté. Je m’exclame, crie au génie. On rigole, et Raphaël se joint à notre œuvre d’art, en rajoutant un petit soleil. Je demande à Chuck, avec une voix de maîtresse parlant à son petit élève : « Et les maisons, tu sais les faire ? » Pour tracer juste un cube représentant le corps de la maison, il prend un air plus intellectuel, et griffonne une multitude de petits traits. Je ris vraiment, il fait semblant d’être tout fier de son toit, « qui n’est pas pointu, mais plat, pour faire encore plus réaliste ! »

 

Et Raphaël qui nous fait son tour de magie, choisir un prénom de fille… Chuck qui choisit (qui n’est pas là). Je ne sais pas pourquoi. Mais à la rigueur, peu importe. Tant pis si c’est elle, et pas moi. Enfin, non, pas tant pis.
J’ai ces instants partagés qui me satisfont. Et elle, elle est « à fond » sur un autre.
Alors si je dois prendre mon mal en patience… Je ne veux juste pas attendre et rester muette.

Cette discussion d’une heure, tous les deux, debout dans la cour vide.
Juste derrière, , un étrange garçon lisant du Baudelaire et griffonant dans des carnets Muji, que j’avais rencontré dans un autre TD, qui me faisait la cour en me vouvoyant, et en m’écrivant des poèmes, durant le premier semestre, qui me regarde, de loin. Je le salue, je le sens tout chose, son sourire doux. Et je ris. Et je dis à Chuck, tout bas : « Quel séducteur, celui-là ! » Je lui explique cette curieuse relation de séduction, moi qui joue et lui aussi, moi qui m’en fous, et lui pas trop, on dirait. Il comprend, on dirait.

Nous parlons, de tout, pendant une heure.
Des ruptures, de la musique, des concours, de la relation avec les gens, la sensation d’être parfois trop fort dans une matière, et le comportement des gens qui en découlent, de l’égocentrisme, de l’avenir, des fêtes en général, des discussions sérieuses, des déconnades, on blague un peu et on se comprend beaucoup, je sens cette compréhension intense, les points communs qu’on se découvre.

Nous deux, et moi qui mange ma sucette au miel que Jude m’a donnée le matin, avant qu’elle ne parte à sa répèt. Je la suçotte, ne sais pas trop comment m’y prendre, je ris et dis :
- Je me sens vraiment pouf, en mangeant ce truc !
Et j’imite la parfaite petite pouf qui suce sa sucette d’un air niais de dragueuse sulfureuse. On rigole tous les deux, les mains bleuies par le froid.
Alors, je la croque, un peu. Et je vois ses yeux qui descendent jusqu’à mes lèvres, peut-être parce que lorsque quelqu’un mange devant vous, on regarde toujours ses lèvres, je ne sais pas.

Il va sans doute faire une fête. Parle des gens de la fac qu’il inviterait. « Avec toi, Jude, Raphaël,
… ». Je me réjouis. Le dis.
- Ca serait chouette, vraiment !

Ces moments au goût d’absolu, où l’on sent que l’on partage quelque chose, rien qu’avec l’autre. Tant pis si d’autres ont ses plus grandes faveurs. Parce que ces moments-là, où l’on sent toute sa sincérité, et son plaisir d’être là, rien ne peut nous les retirer.

 

Parce que oui, c’est lui, et moi, réunis dans ces minutes complices. Parce que je crois bien qu’on a l’air d’aimer ça, tous les deux.
Même s’il préfère peut-être quelqu’un d’autre. Même si ce n’est pas peut-être pas vrai. Même si je peux me tromper.
Même si je n’ai pas d’amour pour lui.
Même si je ne suis pas claire avec moi-même.

J’apprends juste à savourer.
A le connaître.
Sans me poser de questions.

C’est peut-être ça, le vrai.
Ne pas se poser trop de question, et laisser filer… En donnant un petit coup de gouvernail de temps en temps.
Ecrit par Feu, le Mardi 8 Mars 2005, 22:14 dans la rubrique Ecrits.

Inspirations soudaines :

Broutille
Broutille
09-03-05 à 21:42

J'adore..
Tellement vrai, tellement beau.
J'aimerais pouvoir laisser filer comme toi..

Bizoux

 
Feu
Feu
11-03-05 à 22:15

Re:

Merci Broutille... :)
Disons que selon les jours, il est plus ou moins difficile de laisser filer... Comme l'on dit, plus facile à dire qu'à faire! Mais je crois ne pas m'en sortir trop mal. ;)

 
Anonyme
11-03-05 à 19:11

Lien croisé

Et... la vie s'écoule... : "> regarde Xav’ qui nous fait des imitations de sa semaine, Claire parle avec So’ et Laure. Tout va bien, je suis dans ma bulle. Et l’on se quitte 40 minutes plus tard, je croise les yeux de lui, quand il frôle mes joues. Et je ne suis pas amoureuse de Xav’. Je suis comme Feu avec Chuk, je crois. Ou un peu comme Etolane, aussi. Un mix, peut-être. Je voudrais juste être spéciale dans ces yeux. Ne pas être celle avec les autres, mais un peu différente. Bien sûr, il y a un semblant de désir qui se glisse dans tout ça… Si les plans de fin juillet existent toujours dans quelques mois, je me vois très bien lui b"