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Et pourtant, nous fumons, affalés sur cette pelouse immense

Allongés sur la pelouse à côté du bâtiment des cours, nous fumons. Chaleur de début d'été. On fume parce qu'on est jeunes et cons, comme le dit la chanson. Qu'est-ce que j'aime ça, cette proximité à demi-mot, ce silence qui murmure des phrases en sourdine, la pédale est mise, jouons piano. La fumée voluptueuse qui remonte dans la bouche, j'expire. C'est drôle, ce mot, expirer. Le souffle s'enfuit pour laisser place à un autre, c'est l'acte premier de la vie. Et pourtant, cela signifie aussi mourir. J'expire.
J'expire juste à côté de toi, et toi, es-tu un ex pire ?
Cela fera bientôt sept mois sans 'nous'. C'était à peine hier. Des mots griffonnés dans la mémoire, un post-it qui persiste pour nous rappeler nos 397 jours passés ensemble, à faire exister ce 'nous deux'.
Maintenant, c'est toi, et moi. Toi sans moi. Moi sans toi.

Et pourtant, nous fumons l'un à côté de l'autre, affalés sur cette pelouse immense.

Est-ce vraiment 'sans' ? Je dirais peut-être que 'Toi' et 'Moi' marchent en parallèle. Sans diverger, sans se rencontrer non plus. Juste un chemin côte à côté, épaule contre épaule. Pas parvenus à faire une réelle coupure, n'est-ce pas ? De temps en temps, comme une collision entre deux papillons qui se rencontrent, nos chemins s'entrelacent brièvement, l'espace d'une soirée, d'un égarement. Il y a eu tes lèvres fin Mars, à la sortie du métro. La pluie qui nous surprend, on bat retraite dans la station, et là, tes yeux contre les miens, et les mains qui se cherchent. Juste un baiser, tout de suite effacé. Il y a eu aussi l'autre jour, il y a une semaine, chez Ariane. Le souffle alcoolisé et les mots qui trébuchent, réveillés le lendemain avec un vague souvenir des bras de l'autre avant de s'endormir. Et puis Janvier, c'était quinze jours « après », tous les deux malheureux sans se l'avouer. Juste ton corps contre le mien, dans les draps de l'oubli, une nuit. Au matin, toujours ce déchirement que nos étreintes n'ont pas suffi à apaiser, et je suis partie en voulant fermer les yeux sur ce semblant de nouvel essai.
Des jumeaux qui n'arrivent pas à séparer, les autres disent. Ca m'effraie, tu sais. Enfants terribles malgré nous, depuis que nous nous sommes séparés, je n'aime plus les hasards.

Et pourtant, nous fumons l'un à côté de l'autre, affalés sur cette pelouse immense.

Parce que quoi qu'en disent les spectateurs et quoi que nous en pensions, on est bien, là, à savourer cette douce quiétude, ce bref moment d'extase d'herbe partagée.
Tu es beau lorsque tes lèvres se rejoignent autour du papier roulé, ton visage se contracte un court instant pour tirer tout le bien-être à venir, tes yeux plissés et ta main si près de ton visage ; puis la bouche s'entrouvre, libératrice, tu l'as, ton plaisir, il circule dans tes poumons, et ton corps tout entier se détend.
Puis ton bras penche un peu vers moi, l'incandescence au bout des doigts que tu me tends, et nos phalanges se frôlent brièvement. A mon tour de partir.

Voyage au ralenti vers un Ailleurs de tous les possibles, extase conquise sans lutter, escapade de nos corps étendus sur les vagues des paradis artificiels.
Il me suffit encore du contact de tes doigts pour frémir.

J'ai cru que tu n'étais pas le bon, et qu'un autre me ferait tourner la tête encore plus vite, me montrerait les choses plus joliment et m'apprendrait encore mieux à mettre un pied devant l'autre. J'ai raccroché et ai interrompu la communication entre nos deux corps. Résilié le forfait, pensant faire une meilleure affaire ailleurs, parce qu'un autre me soldait son amour feint. Je n'avais compris que la fidélité à un forfait illimité est mieux qu'une offre alléchante d'un nouvel opérateur -des cœurs-.
Alors il n'est resté que des bribes d'instants, fils coupés par une pince maladroite. Mais pas suffisamment experte pour briser le souvenir. D'où cette douce dépendance, même « après », ce cordon ombilical de la mémoire qui nous reliait et relie toujours l'un à l'autre. Je ne suis plus avec l'autre depuis longtemps, je crois que tu l'as compris il y a un mois. Lorsque je t'ai dit que je me fichais bien du regard des autres, quand j'ai dansé un collé-serré à la fête de Damien, avec ce dernier. T'étais jaloux malgré toi, je l'ai espéré malgré moi.
Itinéraire galvaudé d'une fusion aux effets à retardement.

Et pourtant, nous fumons l'un à côté de l'autre, affalés sur cette pelouse immense.

Une fois, j'étais couchée contre lui, dans son lit, et je me suis mise à imaginer doucement que ces bras étaient les tiens. J'imaginais que ses mains étaient les tiennes, et que le corps qui épousait les formes du mien dans le silence de la nuit, tout empli de sommeil, t'appartenait. Je me suis laissée au prendre au jeu de me retourner contre ce toi hypothétique, et j'ai caressé son visage en voyant le tien sous mes paupières closes. Mes doigts remontaient le long du souvenir de tes pommettes, et effleuraient tes lèvres passées. Longtemps, dans le noir, je t'ai caressé doucement, en touchant son corps à lui, endormi.

Et lorsque je t'ai croisé dans la rue, le mardi suivant, je me suis demandé si tu savais, pour cette nuit-là. Je n'aurais pas su dire pourquoi. Tant d'interrogations qui restent suspendues.
Le souvenir de toi qui reste imprégné dans ma peau, on n'y peut rien, toi aussi tu sais très bien que je suis gravée quelque part, ne serait-ce que sur un centimètre carré de toi. Et même si la mémoire est sélective, même si nous tentons toujours de nous boucher un peu les yeux, la douleur vient de ce doux leurre, et ce petit carré, cette petite surface reste le concentré de souvenir de l'autre. Et propage à nos corps tout entiers le 'souviens-toi', comme autant d'empreintes de nos mains sur nos membres qui se rappellent. Il y a des fois où malgré l'esprit, le corps se souvient, lui, plus fort que jamais.

Et pourtant, nous fumons l'un à côté de l'autre, sans rien dire, affalés sur cette pelouse immense.



Ecrit par Feu, le Vendredi 13 Janvier 2006, 23:45 dans la rubrique Ecrits.

Inspirations soudaines :

Feu
Feu
15-01-06 à 13:34

J'allais oublier de préciser : ce texte est fictif. J'insiste bien sur le mot. Même si.

 
MangakaDine
MangakaDine
15-01-06 à 20:38

"Et lorsque je t'ai croisé dans la rue, le mardi suivant, je me suis demandé si tu savais, pour cette nuit-là. Je n'aurais pas su dire pourquoi. Tant d'interrogations qui restent suspendues.
Le souvenir de toi qui reste imprégné dans ma peau, on n'y peut rien, toi aussi tu sais très bien que je suis gravée quelque part, ne serait-ce que sur un centimètre carré de toi. Et même si la mémoire est sélective, même si nous tentons toujours de nous boucher un peu les yeux, la douleur vient de ce doux leurre, et ce petit carré, cette petite surface reste le concentré de souvenir de l'autre. Et propage à nos corps tout entiers le 'souviens-toi', comme autant d'empreintes de nos mains sur nos membres qui se rappellent. Il y a des fois où malgré l'esprit, le corps se souvient, lui, plus fort que jamais.
"C'est...
...comment dire...
...beau? Un truc comme ça?
Comme le foie gras. Quand on mange, on dit "c'est bon", ou "hmmm" mais...c'est plus que ça. On n'en mange pas trop, par respect pour la matière précieuse.
Ton article, il me fait de l'effet. Parce que quelque part, je sais qu'il y a du vrai. Parce que d'une certaine façon, il me fait penser à mon hier et l'état dans lequel j'étais pour écrire mon dernier article. :(
Et puis, comme si tu avais un lien spécial avec ce que je vis. Comme si tes écrits étaient le reflet de mon présent. Je sais, c'est "mal vu" de dire des choses comme celles là ici, mais je m'en fous, après tout, mes defauts sont compris dans le lot.
Tu sais, parfois je le regarde, et j'aimerais revenir en arrière pour effacer les erreurs, réagir autrement. Parfois je suis dans le lit d'un autre, et je rêve de lui, encore. Et quand je rentre toute seule dans le bus, j'ai envie de pleurer, parce que je me demande si ça aurait pu. Ou si je dois encore avancer de cette manière. Et si je vais l'oublier, lui et ses traces, durant ces trois années. Si je vais devoir supporter ça tous les jours. Et si j'ai eu raison.
Tu sais, j'aime bien me confier à toi et tes extras.

 
Feu
Feu
19-01-06 à 15:42

Re:

Merci Dine, ça me fait vraiment, vraiment plaisir, ce que tu écris là.
C'est drôle que tu dises ça, parce que j'ai parfois aussi la sensation de retrouver plein de mes sensations, de mes questions, dans ce que tu écris. Des morceaux de vie, des bouts de rêves, d'envies, de déceptions, de concrétisations, tout un tas de truc qui fait écho à mon propre chemin.

Tu dis "durant ces trois années", c'est-à-dire "durant les trois années à venir, ça va être dur de l'oublier", ou "il me hante encore, même après ces trois années de séparation", ou bien "nos trois ans passés ensemble restent gravés en moi"? (ouah, on dirait un questionnaire à l'eau de rose dans un magazine pour jeunes ados)
Mais je te comprends très bien. Cette sensation d'avoir envie de tout effacer, pour repartir de zéro et courir vers lui. Mêlée à cette voix qui te dit de continuer à avancer, et d'oublier, oublier. C'est un peu raison et sentiment. Comme lorsque tu as des lanières autour des épaules, et que soit tu résistes, tu avances, et c'est difficile, un peu comme tirer une charrue (moi et mes métaphores...), soit tu lâches tout, tu te laisses entraîner, c'est si facile. Mais tu n'es pas certaine que continuer à tirer soit une bonne solution, que la sortie sera par là, et tu n'es pas sûre non plus qu'en te laissant entraîner en arrière, tu seras bien accueillie.
Ce doute... On s'en passerait bien, parfois, de cette torture.

Moi aussi, j'aime bien quand tu te confies ici, c'est toujours chouette. :)

 
MangakaDine
MangakaDine
20-01-06 à 00:09

Re: Re:

Pour les trois années, j'opte pour la réponse a)
Enfin, si ma phrase était évasive, c'était parce que je ne voulais pas trop m'étendre sur le sujet, voilà.
Pour le reste, je t'ai concocté une réponse à ton commentaire sur mon blog bien longue et dispersée, comme tu les aime, petit choupinette. (j'adore les surnoms foireux)

Bisou, bonnes révisions et prises de tête.
;)


 
ninoutita
ninoutita
20-01-06 à 22:08

Re:

Et Dine t'es sur que c'est que photoshop qui te rend si jolie :) ?

ahahaa, va pas croire que t'as à faire à une obsédée sexuelle hein ;)

 
MangakaDine
MangakaDine
22-01-06 à 19:09

Re: Re:

Toi, obsédée sexuelle? Parfois, on se demande...
mouahaha, mais c'est pour ça qu'on t'aime, Ninoutita! :D


 
raskolnikov
15-01-06 à 23:43

Ladies first

Fictif fictif tif tif tif......
Je vis dans un rêve dont je ne me réveille jamais.
Moi aussi pourtant.
Et combien de fois, et combien de fois.
Non non je n'y crois pas, pas comme ça.

 
Feu
Feu
19-01-06 à 15:43

Re: Ladies first

A force de rêver éveillé, on se casse le nez. Et pourtant, il y a la tentation si forte d'y croire...
Pas comme ça?

 
Anonyme
19-01-06 à 17:20

Re: Re: Ladies first

Rire est fondamental, fondamental.
Alors tant mieux si on glisse sur une peau de banane.
Ce qui est à côté du rêve.
Un peu de vie, un peu de mort,
Et tout s'empale dans une spirale.

 
raskolnikov
19-01-06 à 19:10

Re: Re: Re: Ladies first

anonyme c'est moi, evidemment...

 
ninoutita
ninoutita
20-01-06 à 22:07

Je pense pareil que Dine, il doit il y avoir un peu de vrai là-dedans.
Ce texte est magnifique. Je dis souvent ce mot en ce moment . Parce qu'il n'y a que ça qui me vient à la bouche quand je lis des écrits qui frisent tant le parfait. Pas un mot de travers, tout est bien mesuré.
Parfait... ce mot ne convient peut-être pas aux tiens. Parfait, non. Je sais pas.

Ce texte c'est un peu comme un refrain entêtant, je l'ai lu la semaine dernière et je l'ai relu, pour voir si oui, elle était bien de toi cette belle phrase. Pas " belle " parce que comme tu dis, ça fait un peu paradis artificiel, alors quoi ? Poétique, je crois que c'est le mot.

Et ce garçon, on l'imagine toutes et tous autrement. Parce que tu n'en dis jamais trop. C'est fou comme vous écrivez bien tous.

Je ne sais pas si je te l'ai dit, mais début janvier, j'ai lu ton et tes premiers articles.
Même plus jeune, t'avais cette démesure mesurée dans ton écriture. Je sais pas d'où ça vient... t'en as d'la chance :)


 
Feu
Feu
23-01-06 à 14:56

Re:

Eh ben. Qu'est-ce qu'il est chouette, ton commentaire. Il est beau, vraiment. Merci. Merci beaucoup.

Je ne sais pas quoi répondre. Enfin, si, mais tu sais, on n'arrive jamais très bien à l'exprimer.
Alors juste, encore, merci. Et puis un grand sourire :)))

PS : elle est jolie, ton expression, "démesure mesurée". En fait, il est vraiment joli, ton commentaire, on dirait que t'as été contaminée par le plaisir des mots ;)

 
ninoutita
ninoutita
23-01-06 à 17:28

Re: Re:

Y a rien d'autre à dire que de rien, je crois.

Oh mais tu sais, cet amour pour l'écriture je l'ai déjà depuis pas mal de temps :)