La soirée la plus surréaliste de ma vie.

J'ai passé mon temps à danser comme un manche à balais sur du rock, tout en hurlant quelques mots à travers la masse sonore, et en mangeant d'une main un cake aux lardons.
Je récapitule...

Venue en touriste à cette fête d'une connaissance du conservatoire, qui m'avait, chose très rare lorsque je vais à une fête en général, envoyé un carton d'invitation. Vous vous rendez compte? Alors qu'elle habite à deux pas de chez moi, et qu'on se croise régulièrement au conservatoire, elle m'a envoyé un carton d'invitation. Enfin, ce n'est pas tant le carton, mais plutôt le "tenue correcte exigée" écrit en bas de la petite carte, qui m'a sauté aux yeux, malgré la touche d'humour dudit carton... Uhuhuh.
Ai-je bien lu?...
Ai passé une heure devant ma penderie, à chercher une "tenue correcte". Non, pas le jean, pas le débardeur-qui-arrive-au-nombril-parce-qu'on-est-en-été, pas la veste à fermeture éclair, pas le t-shirt, pas le pull... Euh, qu'est-ce qu'il reste?

Finalement, c'est une Feu transfigurée qui descend les escaliers, avec une jupe noire un peu volante au genou, un petit haut chocolat sobre, des bas-qui-font-les-jambes-toutes-belles, une veste en velours brun, ainsi que les petites ballerines noires. La parfaite panoplie de la "jeune fille en ville", et "de bonne famille", surtout. Autant dire que si je suis la seule à être habillée comme ça, le traumatisme est en vue. Oh, quoique, je me regarde dans la glace, et ne le trouve pas si mal que ça, cette tenue, plutôt chic, mais jolie. Oui, me sens jolie, dans cette jupe qui tourne un peu, féminine, en fait.
Bref.

Je manque quand même de me casser la figure devant mon père qui éclate de rire, lorsque je tente d'essayer les chaussures à talons de ma mère. Merci pour le soutien moral, papa.

Lorsque j'arrive, c'est surréaliste-land : autour de moi, des garçons en costume-cravate partout, et des filles, toutes en jupe, avec des talons et des hauts presque comme des tailleurs. Ca y est, l'ovni Feu a débarqué, immersion totale dans le monde de la BFER (Bonne Famille Et Rallyes). Je plane dans la petite assemblée de jeunes gens bien élevés, le verre à la main, et les tubes des années 80 en fond sonore "Elle daaaaaanse... sur de la musique pooooooooooop...!", wah, c'est la folie, ouh, on fait bouger le rythme, ouah.

Seulement, soudain, le copain de ma relation du conservatoire (vous suivez toujours?) met un rock. Et ils se mettent tous à danser comme si leur vie en dépendait, avec des figures de fous, des passés-sous-le-bras, des tourne-autour-de-la-taille, des glissé-autour-des-épaules, des pivotis-de-genoux. Argh. Feu l'ovni regarde d'un air hébété tous ces JGP (Jeunes Gens Polis) danser d'un air sérieux et motivé ; euh, il faut faire pareil?

Lorsqu'un cavalier m'invite, c'est avec un grand sourire mais avec une encore plus graaaande panique que je réponds. Malgré mon avertissement initial ("Euh, je sais pas danser le rock"), il me regarde avec un air étonné lorsque mon pied vient pour la 4ème fois écraser subrepticement le sien. Restons dignes, je lui décoche un énorme sourire à 180°, façon Email Diamant, et tourne dignement sur moi-même, puis lui souris à nouveau, toute fière d'avoir pris l'inititative d'avoir le rythme dans la peau. Yeah. Feu assure, I've got the rythm, yeah, wouuuuuuuuh, je tourne sur moi-même, très pro.

Mon tournicotis sur moi-même s'achève devant lui, pile dans l'axe ; je suis fière de moi. Allez, encore un petit sourire Email Diamant pour la route, ça y est, je me sens l'âme d'une JGP. Si je n'ai pas la médaille d'or de la débutante la plus pro du rock, c'est qu'il y a problème.
Justement. Il me regarde d'un air un peu bizarre mais très gentil : "Euh, c'était dans l'autre sens."
Yeah, définitivement yeah.

Dans la masse des danseurs, nous sommes deux à ne pas savoir danser le rock ; un jeune homme blond, et moi. C'est aussi le seul à ne pas avoir de cravate ; ah, serait-il moins JGP que les autres? Oh, il ne serait donc pas poli? Quel malheur !
On se regarde, un peu éberlués de voir tous ces JGP se démener sur de la musique poooooop, puis je prends l'initiative de l'inviter à danser. (oui, je suis une fille pleine d'initiatives, hum). Au bout de 2 minutes de secouage de bras en rythme (vous savez, le geste de base du rock), je lui hurle à l'oreille : "Bon, tu me fais tourner?" "Hein? J'entends pas!" "Tu me fais tourner??" "Ah, tu me fais tourner, bon, d'accord, si tu veux!" "Non, toi!" Il dit encore un truc qui fait "brrrlmdgndjrrm" à mon oreille, à moins que ce ne soit Freedie Mercurie qui chante "Weee are the Chaaaampions". Toujours est-il que je décide finalement de le faire tourner, mais voilà, la même idée lui est venue à l'esprit en même temps, et nous voilà tous les deux les bras en l'air, en train d'essayer de faire tourner l'autre, chacun dans un sens différent, bref, la "I've got the rythm" attitude.
We are the champions.
Au moins, on rigole bien au milieu de la masse des dancing guest-stars, à agiter nos bras n'importe comment en riant à gorge déployée.

Après quelques trémoussages en choeur sur des tubes plus lascifs, les rocks endiablé reprennent le dessus... et me voici prise en main par un JGP au sourire Freedent (encore mieux que Email Diamant) : "Tu ne sais pas danser? Je vais t'apprendre!" Il ne sait pas ce qu'il va lui en coûter, celui-là, ou alors il veut se présenter kamikaze.
Et pourtant! Et pourtant! Le rock s'avère un exercice très amusant, au bout de quelques gestes bien maîtrisés ; ça y est, je sais un peu danser, I've got the rythm, I've got the rythm, yeah ! Les yeux de Sourire Freedent ne quittent pas les miens ; ça me fait rire tout haut, avec de drôles de sautes dans mon rire. Oups, heureusement que Tom Jones chante à 100 décibels pour couvrir les étranges sons que j'émets ; Sourire Freedent pense que j'ai un rire charmant et cristallin et me sourit encore plus.

C'est parti, j'enchaîne les rocks plus ou moins bien maîtrisés à grands renforts de fous rires hereusement couverts par la sono déchaînée, ouf. Quelques écrasages de pieds par-ci par-là, quelques coups dans le nez, whouuuu, le monde il est fou.

Je goûte la quiche maison aux endives qu'une fille m'indique du doigt en me disant (ou plutôt en me hurlant) : "C'est moi qui l'ai faite!", et lui réponds en un grand sourire (poli, naturellement) qu'elle est délicieuse (la quiche, pas la fille), alors que la simple odeur des endives me donne envie de fuir hiberner en Alaska. Je suis polie et délicieuse, nous sommes des JGP, uhu, uhu.

Sourire Freedent trinque avec moi à minuit pour les bougies de ma relation-du-conservatoire, en me tendant le bras, sans doute encore une coutume BFERienne? Je mets cinq secondes à comprendre qu'il faut que je passe mon bras dans le sien pour que nous buvions (vous remarquerez le conditonnel) bras entrecroisés ; le monde des JGP m'annhile complètement le cerveau, j'oublie tout ce que l'on fait dans une soirée normale, oh my god...

En descendant dans la rue après avoir quitté l'appartement, j'entends un "Whouhouuuu!". Tiens, Fredie Mercurie est en grande forme! Je lève la tête, et qui vois-je? Sourire Freedent qui me fait de grands signes. Encore?... Celui-là, je ne sais pas ce que je lui ai fait, mais je crois que ma façon de danser le rock lui a plu. J'en suis sûre. Je maîtrise. Yeah.
(reuhm, reuhm, reuhm...)

En résumé, j'ai passé ma soirée à danser des rocks que je ne savais pas danser, en rigolant tout fort, mais sans que ça s'entende, à manger des choses que je n'aime pas en disant que c'est délicieux, à parler à des gens sans qu'ils entendent non plus, à me faire prendre en photo avec un flash qui rend aveugle, et à boire du ponch à jeun. Mais curieusement, j'ai bien aimé.
Tellement surréaliste, différent de ce dont j'ai l'habitude, que je me suis bien amusée. Du vingt-septième degré partout.

Il faut savoir prendre tout cela de façon détachée, voyez-vous?...

Ca y est, je me JGPise.

                                                        
                                                         En fait, c'était vraiment ça.

Yeah.