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J'aurais voulu, et j'aurais pu... peut-être. Qui sait.

J'ai le coeur encore à l'envers et un sourire qui dure ; parce que c'était délicieux, mais tout juste assez pour laisser un goût d'inachevé. Une envie de continuer, d'avoir pu rester plus longtemps, oui, plus longtemps...

Fête de , pour la fin des cours, la fin de l'année, la fin des partiels, la fin de tout, somme toute. Pas spécialement envie d'y aller, engueulades sérieuses à la maison, au point que ma mère m'accorde tout juste la permission de minuit et demi, c'est n'importe quoi. Je pense à la fête de , où et moi avions pris à cinq heures du matin le premier métro. Parce que mon père est parti, ma mère s'inquiète plus, et je ne peux pas dormir chez Jude car celle-ci dort chez Romain, bref. Amertume légère, je sais que la soirée sera courte.

Et puis, finalement, une bouffée de vie m'oxygène lorsque je me retrouve dans le métro, puis dans les rues de Paris. Le jour décline, entre chien et loup. Passage par Monop pour prendre une bouteille. Je lis dans le métro en mangeant des Palets Bretons, histoire d'avoir mangé quelque chose avant d'arriver, puisque chez Raphaël, il n'y a que des chips à manger pour ses fêtes.
Chaleur, corps exposés et regards qui s'animent avec la tombée de la nuit, Paris s'éveille avec la fraîcheur estivale qui succède à la canicule diurne. J'ai les cheveux propres, doux et bordéliques comme je les aime, mon pantalon souple blanc, joli débardeur, et un collier que j'adore. Je me sens bien, fraîche, avec ma bouteille qui me refroidit agréablement les mains.
J'y vais sans peur. On verra bien. Pas d'appréhension, j'y vais en gagnante, du moins je le veux.

Cette soirée sera bien ou ne le sera pas.

Et elle l'a été. J'aurais voulu rester toute la nuit et bien plus longtemps encore, sur ce canapé, au milieu de l'unique pièce, à parler encore de tout, melting-pot de sujets qui s'entrecroisent, jazz, blagues Carambar, clarinette, avenir, romans-photos en direct, pétards et people intimes. Ces simples mots qui veulent tant dire, parce que c'est nous qui les avons prononcés.

Lorsque j'arrive, 21h, quelques personnes, une petite dizaine tout au plus. Quarante personnes sont attentues, tout au long de la nuit, je sais déjà que je n'en verrai pas la moitié. Mais peu importe. Je suis là, et j'ai envie d'en profiter.
Alors, petit à petit, la conversation s'engage avec des gens de la fac, que je connaissais déjà et accueille avec bonne humeur. On papote, je m'installe, j'ai décidé d'être à l'aise, et je le suis. Ca démarre doucement, mais sûrement.

Tiens, je l'ai remarqué, lui, en train de parler avec l'ex de Raphaël. Oh, comme ça, une belle gueule, des sourcils qui lui font des yeux expressifs et profonds, de l'allure, un air ouvert et détendu. Comme ça.
Je continue mon bavardage avec les autres, on mange les chips par poignées en se disant que ça n'est pas sérieux, non, pas sérieux...

Et puis, je ne sais plus comment, je me retrouve à parler avec lui. Assise sur le canapé, lui, en tailleur par terre, petit à petit, les phrases qui fusaient entre quatre cinq personnes, se retrouvent plus intensifiées entre nous deux, avec une autre fille, très enthousiaste et dynamique, de la fac. J'apprends qu'il est le cousin de Raphaël. Je joue un peu à avoir oublié son nom, qu'il m'a dit dès le début : "C'est... Victor? Ted ? Hugo?..." Je trouve finalement son prénom, et il me fait remarquer en riant que certaines lettres étaient communes entre le dernier prénom proposé et le sien. Alors, il me demande : "Et toi, c'est comment?" Et le voici à deviner, prénom après prénom, moi lui disant si il y a ou non des lettres en commun, mon prénom. Il y arrive presque, et la fille de la fac, que j'appellerai Asse, lui fait des signes dans mon dos pour qu'il devine. Je l'assassine en riant : "Ah, il fallait qu'il cherche encore!"
Nous voici présentés. Tom, Feu.

Sur le canapé, tous les trois, tous les deux, et autour, l'animation qui s'amplifie, des gens qui arrivent, jusqu'à une bonne vingtaine, dans le 12m carré de Raphaël.
Tout semble si facile, si évident. Le même délire partagé, on brode sur des idées, on cherche les people qu’on connaît, par le biais de l’ami du cousin du patron de l’assistant du père de… qui connaît justement quelqu’un que je connais, hein, donc je le connais aussi, ce people ! On parle aussi plus sérieusement de musique ; même si lui est en math sup, il fait de la guitare, improvise et compose, et s'essaye à la clarinette. La respiration en continu, le jeu, puis le baroque, le reggae, Dont' Worry, Be Happy, mon accent anglais, qu'il écoute attentivement. "Oui, tu as un petit accent, une façon de remonter à la fin de tes phrases, comme si tu étais une anglaise qui parlait français à la perfection, et refoulait son accent, qui fait parfois de petites remontées..." Il me le fait remarquer une nouvelle fois, alors que je ne m’attendais pas spécialement à ce qu’il écoute l’ineptie que je venais de sortir en riant. Il me fait sourire.

Série de blagues des "deux par deux" ("C’est deux œufs dans une poêle…" "C’est deux spaghettis dans un plat…" "C’est deux spermatozoïdes…") avec d'autres gens, puis on regarde les photos. Ah oui, voilà, on a commencé comme ça, à regarder les photos. Et à faire des bandes-sons derrière, en zoomant sur les visages.
- Aaah, veux-tu appartenir à la secte des Gilbert Montagnier? (T'as vu ses cheveux? -Ouais, il ressemble vraiment à Gilbert Montagné! - Complètement.)
- (regardant l’autre qui semble se tenir le ventre à ce moment-là) Je ne sais pas, uhum, j'ai un peu mal au ventre...
- ... je me sens ballonné.
- N'importe quoi !... Mais oui, c'est mieux.
- Oh, mais que font-ils-euh?
- Toi aussi, tu veux appartenir à cette grande secte? Regarde, il fait un geste de la main, il lui dit : "Viens dans ma secte"!
- L'autre a peur... Regard suppliant!...
- Sale Chevalier!
- Oh, on ne traite pas un chevalier comme ça... Il faut dire, euh...
- Jarniquienne!
- Voilà, c'est mieux!
Et nous partons vers des contrées lointaines de phrases absurdes, de dialogues oniriques et simples, parce que partagés dans une évidence agréable.

Il ne trouve pas jolie une fille que d'autres trouvaient magnifique, en photo. Jude et Asse ne la supportent pas, moi, je ne l'ai croisée qu'une fois, elle m'est indifférente. Même si est subjugué par son charme, comme il le disait l'autre jour lui-même en riant. Tom dit ne pas aimer sa beauté, ce type de beauté, trop... Il cherche un adjectif, Jude suggère "commune", mais non, ce n'est pas ça, c'est... Elle se montre trop, elle... Alors, je tente "Beauté trop tapageuse, c'est ça?" "Oui, c'est un très bon adjectif." Il me sourit. Sourire. Oui.

Chuck qui arrive, avec d'autres amis, contente de le voir, mais je ne m'accroche pas, ça fait du bien. On discute, quelques mots, bavardage croisé avec Raphaël, Jude, , et lui, au-dessus d’autres gens assis par terre ou sur le canapé. Discussion de musico sur certains CDs, Tom rit de ne pas comprendre grand-chose à nos critères pour parler d’interprètes.
Je continue ensuite de parler avec ce dernier. Les sujets filent dans un chassé-croisé délicieux. Parce qu’il n’a pas l’air disposé à quitter le canapé. Alors, on reste là et l’heure avance, à mon grand désespoir, parce que cette permission de minuit et demi, comme si j’avais 12 ans, m’agace profondément, et que j’aimerais tant rester ici, dans cette fête qui me plaît tout particulièrement, bien plus encore que toutes les autres qui furent organisées durant l’année, que ce soit chez Romain, Jude, Chuck, Raphaël,ou chez moi, même…
Je me renverse une goutte de jus d’orange sur le pantalon, et il dit en riant : "Hum, tiens, en voilà une fille pulpeuse ! " J’éclate de rire, et je dois rougir sans doute un peu.

Et il m’entraîne devant l’ordinateur pour aller voir le site des blagues Carambar, on rigole en tentant de répondre aux charades, il m’en dit une que je mets un peu de temps à chercher. Puis éclate de rire une fois trouvée la réponse de la mienne, dont, je dois le dire, je suis assez contente. Accroupis devant la table qui nous arrive au menton, les coudes qui se frôlent et les regards qui se croisent.

Entre-temps, j’ai parlé avec Raphaël, simplement, sans qu’il parte à chaque mot ou fasse son sourire un peu hypocrite, parfois. Non. C’était… bien. Naturel. Son bouc et ses cheveux en pétard, son air si doux que j’ai si bien connu. Lorsque j’ai monté les escaliers menant à chez lui, je me suis arrêtée un instant sur le palier, pour sentir. Le carrelage rouge brique et les poutres au plafond, un curieux mélange qui faisait "l’immeuble de Raphaël". Devant sa porte, nous nous embrassions dans le noir, la minuterie éteinte juste au bon moment. Quelque chose qui remonte en moi, parfum des heures passées, des gestes partagés. Images que l’on effleure du bout des doigts, en murmurant "Remember".
Et tous les deux en train de parler, chaleureusement, son sourire attentif et puis, lorsque d’autres s’adressent à nous, je ne sais plus pourquoi, sa main vient enlacer ma taille, fugitivement, l’espace de deux secondes, en riant. Quelques gestes qui paraissent si simples, et dénués de tout ce "aigre-doux" qui faisait notre relation "post-relation"¸justement. Post-nous.

Au moment de partir, beaucoup protestent, "Mais reste ! " Je ne demande que ça… Un garçon de la fac du groupe de TD de Raphaël et Romain, avec lequel j’avais parlé plusieurs fois durant l’année, me dit en souriant : "Je t’aime beaucoup, vraiment". Je ne m’attendais pas du tout à cela, mais il dit avec un air si chaleureux, simple et naturel, avec en plus ce petit quelque chose dans l’œil de pétillant, et de complice, que je souris, tout grand. Je souris. "Eh bien, c’est réciproque".C’est vrai, en fait, je les aime beaucoup, tous ces gens-là que j’ai découverts tout au long de l’année, sans être toujours avec eux, mais que j’ai entrevus par touches, toujours plus agréables, au fil des jours. On sourit encore, et il me dit en riant : "Allez, je te refais la bise". Le temps que j’embrasse la fille à côté de moi, tout aussi sympa, on reparle encore deux minutes, et puis je leur re-re-fais la bise, et en riant, il m’attrape à nouveau les épaules : "Tiens, encore une pour la route !". Ils agitent la main et rigolant : "Tu n’es même pas sortie d’ici, qu’on agite déjà la main ! " Je mime une femme cheveux au vent dans une voiture, on rit encore plus, ils me lancent des baisers que je leur renvoie.

Le tour de la salle pour dire au revoir à tout le monde, j’en embrasse certains pour la seconde fois sans m’en apercevoir. Des rires qui se mêlent, tout le monde parle, c’est une vraie fête. Que je n’ai pas la moindre envie de quitter.

Il me regarde plusieurs fois de loin, légèrement, ses yeux qui effleurent mon visage et mon sourire.
Je m’approche peu à peu de lui, sans oser encore lui dire un au revoir définitif. J’aimerais tant rester là, comme il l’avait suggéré en souriant tout à l’heure, sur le canapé : "Oh, on pourra dire tout ce qu’on veut, qu’on on sera un peu plus bourrés… " Là, j’aurais voulu avoir toute la nuit devant moi.
Au revoir aux autres, on se revoit dans deux mois, c’est long, deux mois, mais on ne s’oublie pas, hein ? Promesses de se mettre tous ensemble dans un même groupe de TD à la rentrée, de se voir en août si l’on est là, on s’appelle, Raphaël organisera une fête en septembre, on ne s’oublie pas, non, on ne s’oublie pas…

Je ne sais même plus ce que j’ai dit à Tom, sans doute n’ai-je pas prononcé les bons mots, sans doute en ai-je oublié, peu importe. Je ne sais plus. J’aurais sans doute dû lui murmurer qu’on se reverrait, où habitait-il, revenait-il à Paris, peut-être un numéro, je ne sais pas… Des regrets, toujours des regrets.
Il me sourit, nos joues qui frôlent et ses yeux tout près des miens, il rit doucement, puis moi aussi. Pas envie de partir, non, pas envie. Allez, courage.
Alors je prends mon sac en tentant de me persuader qu’il faut partir, et personne ne fait en sorte de ma faciliter la tâche… Ceux auxquels je n’ai pas encore parlé durant la soirée engagent un bavardage agréable, Chuck raconte une histoire abracadabrante, Jude me fait un énorme bisou, un ami de Chuck feint de porter un corset et me regarde en souriant, et d’autres gens arrivent encore… Comme des liens qui me rattachent ici, lianes qui s’enroulent autour de mes mains. Je sais que si je ne pars pas, si je ne délie pas tout cela, elles deviendront bientôt des baobabs autour de mon corps tout entier, si ce n’est pas déjà fait. Alors, je prends ma serpe et je coupe tout ça, à contre-cœur. Au revoir, au revoir, derniers regards, derniers sourires.
A bientôt, à bientôt.

La porte se referme.

Mes pas dans la petite rue, je lève la tête et vois les deux fenêtres allumées de Raphaël. Par l’une d’entre elles, j’entrevois le visage de Tom. Quelque chose me serre un peu le cœur, dans un élan de gaîté et de regret à la fois.

Mais
c’était bien. Une très belle soirée pour conclure l’année.
Oh, tiens, pour une fois, je vais pouvoir utiliser à bon escient cette expression que j’emploie souvent pour tout et n’importe quoi : Ce fut bref, mais intense.
On espère toujours les suites au lendemain, les prolongations au-delà du match, douces et piquantes, on espère sentir vibrer les portables, on hésite à appeler pour remercier de la fête, et puis glisse le prénom, dire "Sympa, j’ai bien accroché avec…", on hésite, on hésite.

Je le ferai peut-être.

I would like.
Dis, là, j’avais le bon accent anglais ?


 

Ecrit par Feu, le Jeudi 30 Juin 2005, 12:13 dans la rubrique Ecrits.

Inspirations soudaines :

christian
30-06-05 à 22:51

Des nuages dans la tête avec des frissons dans les mains sans savoir où les poser... ;o)

 
Feu
Feu
02-07-05 à 11:38

Re:

Ca tourbillonne encore et encore, on se surpend parfois à penser si fort que le corps en fait des soubresauts. J'aime ces morceaux de vie-rêve, qu'on emporte avec soi... :)

 
christian
02-07-05 à 20:41

Re: Re:

Je voulais ajouter par mail, mais je ne l'ai point trouvé, que je suis stupéfait par la qualité de ton écriture. Alors je le dis ici. Voilà.

 
Feu
Feu
02-07-05 à 23:49

Re: Re: Re:

Merci. Cela me touche d'autant plus que j'apprécie beaucoup ton style. C'est d'ailleurs pour cela que tu es dans mes liens! ;)

A vrai dire, j'évite le plus possible de donner mon adresse mail, puisqu'elle contient mes véritables nom et prénom. Mais je devrais peut-être songer à le faire, puisque tu n'es pas le premier à me la demander...

(à part ça, je reste encore toute °_° par ton mot, je crois que je n'ai pas très bien restranscrit la joie mêlée à l'étonnement qu'il m'a fait ressentir)

 
ninoutita
ninoutita
12-07-05 à 00:24

Mince, j'aime vraiment beacoup ce que tu écris. Je pourrais faire les presque 200 pages sans m'arrêter (heu si, pour prendre un ferrero rocher ;) ).

Tu devrais être fière de toi. Mais heureusement tu ne l'aies pas.
Surtout continue, ne t'arrêtes pas. Zut, c'est bête de dire ça, mais ça rassure quand même un peu.

 
Feu
Feu
12-07-05 à 09:09

Re:

Merci Ninoutia, c'est le genre de commentaire qui me touche. Ca m'fait plaisir!

Tu as entièrement raison pour ce qui est des ferrero rocher. Ca vaut bien une petite pause, héhé ;)

 
ninoutita
ninoutita
12-07-05 à 11:46

Re: Re:

Si ça te touche et ça te fait plaisir alors moi j'suis contente. Parce que tu mérites les compliments!

Un ferrero rocher trempé dans du nutella...miiiam. Quoique un peu étouffe-chrétien.

 
Anonyme
24-10-05 à 00:52

Lien croisé

Web Blog Directory - A Lot - Aggregating the PoweR of Blogs! : " feu : J'aurais voulu, et j'aurais pu... peut-être. Qui sait. (Jun 30 2005 10:59 GMT) - J'ai le coeur encore à l'envers et un sourire qui dure ; parce que c'était délicieux, mais tout juste assez pour laisser un goût d'inachevé. Une envie de continuer, d'avoir pu rester plus longtemps, oui, plus longtemps... "