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Je collectionne les regards, pour m'en faire un paquet-souvenir, un album-yeux dans lequel je me plonge pour me remémorer les instants.

J'ai mal à la gorge à force d'avoir rigolé. Les amygdales enflées, des cernes qui descendent le long des joues, et puis la tête un peu embrumée, juste un peu. Oh, pas grand-chose, juste ce qu'il faut pour un lendemain de soirée animée.

C'était un long, long week-end, très rempli, riche en émotions. Des visages qui se croisent, se superposent, s'entrelacent ; pas toujours les mêmes que d'habitude.


Hier soir, c'était les 19 ans de , chez lui. Il avait le trac ; habitant très loin dans la banlieue parisienne, il n'invite presque jamais personne chez lui.
Un plateau de fruits complètement fou et une charlotte au chocolat terriblement bonne, faite maison, avec juste la main un peu leste sur le rhum, ce qui me rend un soupçon joyeuse, ne buvant jamais d'alcool. Durant toute la soirée, c'est à qui engloutira trois fraises d'affilées, dégustera d'un air satisfait ses mini-bananes, ou croquera à belles dents dans un brugnon juteux, ou encore se fera des boucles d'oreilles de cerises.

On boit du champagne, je casse une assiette du service de mariage de sa mère, et Chuck écarquille tout grand les yeux. Oups, grand moment de solitude, terrible, j'ai l'impression d'avoir foutu en l'air la soirée. Le regard fixé sur les débris épars de l'assiette, il a l'air traumatisé, en tout cas, moi, je le suis. Et puis ouf, on ramasse tout ça, tentons d'organiser un plan de survie, un petit mot pour la maman, ouf, ouf, ça va mieux, le rythme reprend. Fin de l'interlude cauchemardesque.

Vers deux heures du matin, après nous avoir fait un blind-test pour rire avec le nombre incroyable de CD deux titres ringards des années 80-90 qu'il a chez lui, Chuck parle en riant de ses vieux jeux vidéos. Ni une ni deux, saute sur l'occasion, et nous voici en train de hurler de rire, manette en main. D'abord, nous nous démenons comme des fous en brâmant "PSG ouaaiiiiiiiiis" ou "Allez l'Argentiiiiiiiiine!", sautant partout à chaque but, s'arrachant les cheveux pour un corner mal envoyé ; puis c'est au tour de Dragon Ball Z de venir sur l'écran, avec les coups foireux pour assommer l'autre, et les boules de feu que l'on lance sans faire exprès : "Oups, pardon, je viens de te tuer." Je trouve un coup de pied formidable qui écrase tout le monde en un clin d'oeil, je me rattrappe de mes nombreuses défaites au foot... (même aux commandes de l'équipe du Brésil contre celle de Belgique, c'est dire!)(hm, je fais comme si j'étais une pro du foot, mais je m'en tiens aux dires de Chuck...)

Bref retour en enfance, comme des ados attardés, mais avec un troisième degré et une distance prise avec tout ça. L'air lobotomisé qu'adopte Chuck n'est que pour la parodie, et au bout d'un certain moment, on lâche les commandes, allez hop, qui veut un cannelé?

Une folle soirée qui s'achève à cinq heures et demies du matin.
Romain tourne soudain la tête vers la fenêtre, et dit d'un air dubitatif, à moitié endormi : "Tiens, il commence à faire jour." Ce à quoi répond : "Ah oui." Un petit temps passe.
Soudain, Alex, très bon ami de Chuck, s'écrie : " Il fait JOUR?? Mais quelle heure est-il?" Je brandis ma montre : "Cinq heures et demie. Oups." Hum, Chuck et Romain ont répétition le lendemain (enfin, aujourd'hui) à midi. Oups.
C'est soudain un mouvement général vers les lits, on se brosse les dents, on avale un dernier bout de brownies, tant pis si les dents on été lavées avant, où est mon pyjama, euh, Chuck, où est-ce que je dors?

Et tout à l'heure, on part, l'air endormi, fatigués, un peu fébriles. Mais heureux, de cette soirée qui fut tout de même, il faut bien le dire, drôlement chouette.

Dans le train, le paysage défile. Ma tête appuyée contre la vitre, Jude devant moi, Romain à ma gauche, je me laisse un peu aller. Mes yeux se perdent dans le gris des maisons bétonnées, alternant avec le vert des quelques bois. Un canal de la Seine, il fait un peu gris.



En rentrant, je passe aux Invalides chez le fleuriste. Fête des mères, je n'ai rien à offrir pour une fois, ayant tout dépensé pour le cadeau de Chuck (Jude et moi en étions super fières : un grille-pain hyper kitch, rose, rouge, et blanc avec des coeurs dessus, qui imprime sur le toast le mot "hello" et un dessin de coeurs, lorsqu'il grille... C'est pas classe, ça?). Alors, je me rabats sur des fleurs. Enfin, je me rabats, c'est un grand mot. J'aime offrir des fleurs. J'aime choisir les coloris, humer les parfums, regarder les textures des pétales, l'impression d'ensemble, me laisser tenter...

... comme je me serais bien laissée tenter par le fleuriste.
J'entre dans le magasin, mes bouquets, pris dehors, à la main. Il me faut payer et faire composer les bouquet avec les trois petits bottes que j'ai prises. Une queue assez conséquente, des gens partout à l'intérieur, le temps qui file et l'heure qui tourne ; durant un très court instant, je frise la mauvaise humeur.
Mais mon agacement est de très courte durée. Appuyée contre le comptoir, le long duquel est la queue, je vois le fleuriste, entouré d'une ou deux accolytes. Il me voit, me regarde, ses yeux semblent m'effleurer, puis s'arrêtent sur moi, et me fixent, d'une façon... intense. C'est peut-être être curieux, mais il me semble que jamais auparavant, je n'avais rencontré de regard aussi... comment dire? Enveloppant, profond, un regard qui pénètre jusque dans la tête, par le simple canal des yeux, qui met à nu et met à l'aise, rassure, à la fois. Un très beau regard.

Il me sourit, tout grand, et me dit : "Bonjour, mademoiselle.", d'une voix claire et simple. Il est à noter qu'autour de moi, il y a une dizaine de personnes, dont une demie-douzaine devant moi dans la queue. Alors qu'il s'affaire à emballer des bouquets, ses yeux rencontrent les miens, et il me dit bonjour, comme s'il me connaissait, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Je dirais presque, sans que cette phrase ait un sens interprétatif ou métaphorique, non, juste : comme s'il m'attendait. Comme si je devais venir dans cette boutique, que c'était prévu, que j'étais déjà passée hier avec une commande, et que je venais chercher l'objet de cette demande aujourd'hui.
Et pourtant, non. Je ne l'ai jamais vu auparavant, pas plus qu'il ne sait qui je suis.

Il me sourit d'une façon si jolie, si simple, que je ne peux que lui rendre son sourire. Il est assez beau, sans être foudroyant ; son seul sourire l'habille de sa beauté, et le rend agréable au regard. Plusieurs fois, son regard vient rencontrer, non, chercher le mien. Il me sourit toujours, je baisse les yeux quelques fois. Il plaisante avec un client encombré de fleurs, compose des bouquets, encaisse, et toujours son regard qui me frôle. Regard sans insistance, disons, sans cette insistance qui met souvent mal à l'aise. Ici, je sais qu'il veut me regarder, je sais qu'il semble le souhaiter, mais cela ne dérange pas. Je rougis peut-être un peu, mais peu importe, il y a tant de clarté en cela, de simplicité, je suis bien, et n'ai pas envie de repousser ses yeux.
Il a du remarquer mon léger trouble, le sourire qui me vient aux lèvres dès que je croise son regard.

Vient mon tour de tendre mes bottes de fleurs et de payer. "C'est à vous, mademoiselle", dit-il, à la fois comme une affirmation et une interrogation. Il tend la main pour prendre les bouquets, les regarde, me regarde, sourit. Une petite moue complice d'approbation se dessine sur son visage lorsqu'il voit mon choix, il me sourit. Encore.
En me rendant la monnaie, ses doigts effleurent les mien, ses yeux se jettent légèrement contre les miens, tout contre, et mes pupilles vont fuir aussitôt vers le bas. Lorsque je remonte les yeux, il est à nouveau en action, mais me regarde toujours. Il y a une telle luminosité dans son visage, une évidence légère et belle.
Je prends le bouquet, qui s'avère vraiment joli, bien composé ; je suis contente. Je me tourne vers la sortie, et cherche à mon tour une dernière fois son regard. Il est là, et me dit, avec sa voix toujours aussi ouverte : "Au revoir, mademoiselle, bonne journée. A bientôt...? J'espère."
Dernier sourire, je répète à mon tour "A bientôt", ces deux petits mots, comme une promesse laissée au gré du hasard.

Je sors, toute souriante, de la boutique, des images de fleurs et des regards souriants, de sourires regardants, dans la tête.
Dorénavant, j’offrirai toujours des fleurs !

 

 

 

Oh, j’allais oublier vendredi. Oui, j’aime raconter ces instants, avec le maximum de détails possibles, pour me souvenir, me souvenir, me souvenir.
Je réalise que je n’ai pas parlé du tout de Damien, au solfège avec moi, le vendredi soir. , dont j’avais déjà parlé auparavant, et moi, sommes inséparables, à ce cours. Toujours l’une à côté de l’autre, on se soutient par la bavardage léger, pour supporter la prof à moitié dépressive, et nous nous entraidons mutuellement pour comprendre les chiffrages d’accords de neuvième de dominante (un vrai bonheur…). Je m’entends bien avec elle, on a pas mal de points communs, quelques petits frayeurs partagées, des idées, quelques petites choses… Je l’aime bien.

Damien a 16 ans. Mon cours de solfège est un mélange hétéroclite de gens entre 15 et 24 ans, tous confondus, mais tout s’entendant très bien. Donc, Damien est jeune, enfin, jeune. Il a un an de moins que moi, tout compte fait… Son visage fait jeune. Mais pas tant, en fait. Il a grandi, depuis le début de l’année. Quelque chose me plaît en lui, me trouble, un peu. Il a une sorte de grâce juvénile, mêlée à cette masculinité si particulière du visage fin, coupé à la lame de rasoir. Le nez aquilin, les cheveux un peu en désordre, les yeux grands, le sourire facile. Une fraîcheur émane de lui, une spontanéité agréable. En fait, il accorde une sorte de confiance à l’autre lorsqu’il parle. Mais il n’est pas pour autant naïf ou manipulable, non. Il sait rester sur ses gardes, êtres méfiant parfois, soupeser l’information que l’on lui livre.

Il est plus grand que moi, et je remarque qu’il est assez beau. Du moins, il me plaît. Je me demande comment il sera plus tard. Comme Sylvie et moi le disons en riant « S’il avait quelques années de plus… ». Il n’est pas seulement adolescent ; on sent en lui les traces du futur ‘homme’, si ce terme ne fait pas trop feuilleton télévisé… J’aime cet entre-deux justement équilibré, à mi-chemin entre deux routes, deux aspects, qui me rassure, d’une certaine manière. Il n’a pas ce côté « sûr de soi » qu’on les garçons de mon âge, ou plus âgés que moi, dont on sent qu’ils sont hommes, même s’ils sont introvertis et n’ont pas confiance en eux : on sait, on voit, qu’ils ne sont plus adolescents, ils sont devenus jeunes hommes. Lui, Damien, n’a pas encore tout à fait cela. Sur son visage, on voit encore ces résidus d’adolescence, encore.
Et j’aime bien cela ; oui, cela me met en confiance. Peut-être parce que je suis plus âgée que lui, donc d’une certaine manière, j’ai un certain ascendant sur lui. J’ai plus d’expérience, dans le domaine de la scolarité, donc de la manière de vivre, et d’autres choses, peut-être. Sans doute est-ce cela qui me met en confiance : moi qui suis habituée à vivre avec des gens plus âgés de quelques années que moi, même si cela fait plus de 10 ans que j’en ai l’habitude, ici, je me repose. Je ne suis pas sur la pointe des pieds, au contraire : je le considère comme mon égal. Peut-être, inconsciemment, comme un peu en dessous. Mais alors, cela n’est pas dans une intention de mépris ; bien au contraire. Si cela a lieu, ce n’est que dans un esprit presque de ‘grande sœur’, comme je le suis avec les filles de 14-15 ans du cours.

Avec lui, donc, sans doute suis-je un peu grande sœur. Mais non, en même temps, ce n’est pas le terme qui convient. Parce qu’il y a ce rapport léger de séduction, infime, mais présent. Sylvie m’avait dit, en sortant du cours, vendredi : « Mais Damien, il t’adore, ça, c’est sûr ! »

Vendredi, donc. Nous avons passé une heure à attendre la prof qui n’est pas arrivée, sans avoir prévenu auparavant. (Au passage : quelle plaie, cette prof).
Damien écoute les études de Chopin –il en est fou-, me prête un écouteur. Sourires, il me demande ce que je pense de l’interprète, nous discutons avec animation et complicité des études, de leur difficulté, de celles que nous avons jouées… Debout l’un près de l’autre, les autres assis, ou debout autour, en train de bavarder. Reliés par un écouteur, on parle, on bavarde. Je me sens bien, vraiment bien. C’est à dire que je n’ai même pas l’espèce de petite peur d’être empruntée que j’ai lorsque je suis avec Pierre. Sans doute est-ce dû à ce que j’ai dit plus haut.

J’aime bien lorsque son regard se baisse sur moi, et qu’il me sourit. Je vois parfois ses joues se colorer légèrement, peut-être est-ce la chaleur, ou autre chose, je ne sais pas.

Alors que Sylvie et moi nous apprêtons à partir, il nous dit : « Eh, ne m’abandonnez pas ! », nous feignons de ronchonner, et il nous suit en riant.
J’aime bien le fait qu’il soit plus grand que moi.
Ensuite, nous nous retrouvons tous en bas dans l’entrée, sur les bancs, tout le groupe de notre cours de solfège. On bavarde encore, tous, discussion sympathique, il fait beau et je me sens jolie avec ma jupe. Il y a des jours où je m’aime bien, c’est comme ça. Des jours où je m’aime mieux que d’autres. Non pas que je ne m’aime pas, non. J’ai juste conscience que je ne me trouve pas formidablement exceptionnelle physiquement. Je m’aime bien, c’est tout. Point.

Donc oui, nous bavardons. Au bout d’une demie-heure, Sylvie doit y aller, elle m’entraîne ; nous suggérons que nous allons bientôt partir. Damien doit aller voir son horaire de passage pour l’oral de solfège, alors, il me tend son basson (il est pianiste et bassoniste), et me dit en souriant : « Tiens, garde mon basson, comme ça, vous n’allez pas partir tout de suite, tu vas être obligée d’attendre mon retour. »

Je l’aime bien, Damien.


J’aime ces moments jolis de vie, ces instants que l’on goûte comme un fruit savoureux. Minutes qui passent et que l’on vit pleinement, sereinement. Que j’aime ces instants où le cœur semble respirer de gaîté, où le sourire est évident, tranquille et joyeux sur le visage. Spontanéité ; rien n’est préparé, et pourtant, tout vient à point nommé.


Et ce soir, la maison est à moi. Mes parents sortent.
Sourire, de ce petit goût de liberté.
Ecrit par Feu, le Dimanche 29 Mai 2005, 18:55 dans la rubrique Ecrits.

Inspirations soudaines :

MangakaDine
MangakaDine
30-05-05 à 09:32

Sympa cet article, c'est très fluide cette manière que tu as de t'exprimer. J'ai beaucoup la petite anecdote du fleuriste, j'ai hate la prochaine fête, soirée, ou anniversaire, pour que tu puisses y retourner! J'espère qu'il y travaille tous les jours! Une petite romance à l'eau de rose, ça te dit?

 
Feu
Feu
30-05-05 à 22:37

Re:

Oh, ouais, une romance à l'eau de rose! (l'eau de fleur...iste? Hahah, quel humour)
Merci pour la fluidité! A vrai dire, j'avais un peu de mal à écrire en ce moment. Pour celui-ci, j'ai été un peu plus inspirée. ;)

 
jennifer
jennifer
31-05-05 à 20:50

Re: Re:

J'aime, les fêtes comme ça, où on ne pense plus à sa montre, hors du temps. Et j'adore votre cadeau kitsch, j'aurais adoré offrir ça à quelqu'un et voir sa tête :)

Bref, joli article, frais, j'aime.

Bises :)

 
Feu
Feu
31-05-05 à 22:22

Re: Re: Re:

En fait, j'adore offrir des cadeaux les plus bizarres possibles, même si je n'en trouve pas toujours. De manière générale, je me fais toujours une joie d'en offrir!

Merci Jennifer :))


 
Cocktail
Cocktail
31-05-05 à 21:00

Cette fluidité, ces bouts de vie accolés les uns aux autres. On sent toujours cette joie de vivre, ces envies.... Toutes ces choses qui arrachent un sourire, quand on te lit !

:)


 
Feu
Feu
31-05-05 à 22:23

Re:

:)
Ca m'fait drôlement plaisir, ce que tu me dis là! °huhuh°