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Les doigts sur le clavier sonore

Jouer du piano la nuit... Une telle tristesse mêlé à un plaisir immense, presque terrible. Sensation d'infinité infime, finesse des sensations qui s'impriment lentement en soi...
La lumière très faible, dans un coin de la grand pièce, de l'ombre, la nuit derrière soi, tout le monde qui dort autour... Et le piano, là, juste pour soi, seule avec cet instrument du plaisir, cette expression rassemblée de notes, difficile à exprimer, je n'arrive pas. Le piano, seul, et soi, seul. Ce tête-à-tête, ce corps à corps complice avec ces notes qui viennent sous les doigts, transportée ailleurs.

Je sens les triolets de Chopin qui viennent, montent lentement, tension de mon être vers ces notes, jusqu'au point culminant, sensation presque orgasmique, je sens mes doigts appuyer sur les touches, le chant qui se développe sous mes doigts, une à une, inspiration de mes poumons, l’air qui entre, tout mon intérieur qui grandit soudain, inspiration profonde ;
ça y est, la vague, l’onde sismique est passée, le corps se relâche lentement, le souffle court se détend, sensation de plaisir mêlée à une douleur qui va decrescendo comme la nuance, larmes intérieurs de quasi-soulagement, c’est fini, fini, presque une tristesse de devoir prendre le chemin retour, après le si bémol au-dessus de la portée, ça y est, on redescent,
mais la mélodie continue, continue…

Presque de la mélancolie, lorsque le morceau est en mineur, surtout, comme si j’accompagnais la musique, je fais corps avec cette mer de notes ;
Oui, la métaphore est presque celle de la mer ; ça va, vient, monte et redescent, la tension intérieure, le mouvement du morceau qui m’envahit, je bouge, je me meus avec la mélodie, mouvements,

J’en ai presque mal d’écrire ça. Jouer un morceau que l’on aime est un plaisir si fort, si intense, j’en pleure en silence parfois, sans forcer, les larmes coulent, une, deux, c’est tout. Je n’aime pas le mot « pleure », il me semble si commun pour exprimer quelque chose de si fort ; je ne pleure pas, c’est plutôt mon émotion qui coule sur mon visage, de l’eau de la mer de la musique, du sentiment, qui vient jusqu’au bord de mes yeux, puis elle descend, tombe, emporte quelque chose avec elle, je ne sais pas quoi. Comme si ce n’était plus moi qui jouais la mélodie, mais elle qui me portait.

Sensation si bémol. Si bémol ? Elle est si bémol ?
Je me sens encore fébrile d’avoir joué cette étude de Chopin, en mineur, des triolets de croches superposés à des triolets de noires, qui s’emboîtent progressivement les uns dans les autres, tangant un peu, puis ce chemin obsédant, qui possède entièrement.

C’est ça, possèdé, intense. Deux mots. Et finesse.
Ecrit par Feu, le Mardi 29 Juin 2004, 23:31 dans la rubrique Ecrits.

Inspirations soudaines :

ana
ana
06-07-04 à 09:28

Il fut un temps où moi aussi je jouais du piano la nuit, ou très tard en soirée, pour me vider, sortir tout sur ces touches. Transgressant souvent le modèle, je le modelais férocement à mes émotions la nuit, et je jouais gentiment pendant les cours... Je me souviens d'un impromptu de Schubert dont le mezzo me mettait en transe.
Bon courage à toi!

 
Feu
Feu
06-07-04 à 10:21

Re:

Je suis plus contente que je ne pourrais le dire de trouver un commentaire à cet article. Chose étrange, et à la fois pas tant, aucune réaction n'a été déposée depuis sa rédaction. J'espèrais secrètement que quelqu'un réagisse à ce texte, qui a été écrit à un moment où je me sentais "à fleur de peau", un de ces moments où je suis, comme tu le dis, dans une sorte de transe due à mon instrument (flûte, piano), comme au tréfond de moi-même. Oui, c'est étrange de constater que là où je me suis le plus "atteinte", cette partie "seconde" de moi-même, que l'on voit le moins souvent, personne n'a mis son grain de sel.

Trêve de parlotte...
Merci pour ton mot, je suis ravie de constater que je ne suis pas la seule à ressentir cette émotion quasi-hypnotique! Jusqu'ici, quelques amis comme moi aimaient beaucoup jouer du piano tard la nuit, mais je n'avais jamais reçu l'avis de personnes extérieures, même si je me doutais qu'il en existait d'autres!...
De même que toi, je modifie à ma guise, j'accentue ou diminue, m'approprie le morceau, et de retour en cours, le morceau redevient "conforme" au compositeur...

Au plaisir de te revoir sur mon joueb, j'en serais (à nouveau!) ravie!


 
ana
ana
06-07-04 à 14:36

Re: Re:

:))

L'endroit où j'ai vraiment pu jouer la nuit, sans aucun empêchement, c'est au cours d'un stage à Semur-en Auxois, il y avait un piano dans chaque salle de cours d'une école (c'était en plein été). Certaines comportaient même des demi-queues. Et tu pouvais te lâcher à n'importe quel moment!!