Il s'en est passé, des choses, en une semaine. J'ai cru que je n'allais jamais en voir la fin. Et en même temps, j'ai adoré. Si on résume, d'une part : piano ; de l'autre : fac.
J'ai donc trouvé le temps de faire une quinzaine-vingtaine d'heures de piano, de sècher un cours pour ça, de m'inscrire pour un sport que je ne voulais pas, de me faire offrir une pleine boîte de macarons par un boulanger, de m'apercevoir que le jeudi, je prends le métro en même temps que Kami, de rencontrer dans ce même métro un joueur de sithar avec un magnifique sourire, qui m'invite à un concert dont j'ai oublié le nom, la date, et le lieu, de prépaprer un déguisment pour la fête des 20 ans de Charlène, et de ne même pas pouvoir le mettre, parce que je suis tombée malade, avec la tête lourde comme une enclume.
Et en plus, je même tombée amoureuse en une minute, pendant deux minutes. (voir plus)
Et en plus, j'ai passé mon concours de piano et c'était... bref, 1,5 morceau sur les deux était bien. Le reste, catastrophe. Bon. Passons.
Comme j'avais commencé à écrire ceci vendredi soir, mais que je n'ai pas pu à cause de ma connexion internet qui a sauté (arrrh, un weeeeeeek-end entier de sevrage forcé du net, c'est duuuuuuur), je me fais un devoir de le publier, même je ne suis plus vraiment dans le même état d'esprit qu'alors. Peut-être retomberai-je amoureuse (je me fais bien rigoler, en écrivant ça, ça fait tellement "adolescente qui se demande : "Hmmm... alors, est-ce que je vais tomber amoureuse aujourd'hui? Et pis de qui? De John ou de Ken? Ouh, quel problème, encore pire que lorsque je ne sais pas si je vais mettre mes talons Dior ou Vuitton, iiiiih!") pendant encore une heure, ou pas du tout. En fait, je souris juste en écrivant ça. Mine de rien, ça fait du bien de re-sentir son coeur battre un peu. Même si là, en l'occurence, c'est un peu en brassant du vide... Enfin, on est coeur d'artichaut ou on ne l'est pas. Quoique, je ne le suis plus vraiment, voire même plus du tout. Oh, en fait, si, quand même. Non. Si. Non. Si. Je sais paaaaas! Bon, laissons la place à "cequej'aiécritvendredisoir".
"My God, je suis tombée amoureuse en l’espace d’une minute d’un type auquel je n’ai jamais parlé, que je n’avais jamais réellement vu auparavant, que j’ai regardé quelques instants et auquel j’ai souri un peu, et qui n’est pas mon genre, mais en fait si. Et aussi alors que ce n’est pas mon genre.
Bon. Récapitulons.
Non, en fait, il n’y a rien à récapituler.
Si ce n’est que soudain, lorsque j’ai senti son regard sur moi en amphi, il y a eu comme un truc complètement dingue qui s’est passé à l’intérieur de moi. J’ai ressenti cette sensation si forte qui m’envahit lorsque je désire quelqu’un ; je veux dire, lorsque je le désire réellement, que j’ai des sentiments pour lui, que je ne peux m’empêcher de la regarder et de penser à lui où qu’il soit.
En fait, cela ressemblait beaucoup à ce que je ressentais lorsque j’étais folle de L., au lycée. Bien entendu, pas de façon aussi intense, brusque, certaine, et tout ce qui va avec… Disons juste que j’ai SENTI. Je n’ai pas été l’espèce de frigo qui n’osait pas donner libre cours à ses désirs de ces derniers mois, je n’étais pas cette Feu qui un jour était toute pleine de joie d’avoir vu Z, et qui le lendemain, doutait, l’oubliait presque, avant d’y revenir la semaine d’après. Pas cette Feu qui regardait un jour et détournait les yeux l’autre. Le tout en n’osant pas vraiment, en me contrôlant sans le vouloir.
Non, là, c’est comme si mon cœur s’était mis à parler tout seul ; j’ai été envahie par cette sensation, sans l’avoir prémédité, sans avoir d’abord regardé l’autre, un peu, puis de plus en plus, et sans non plus le trouver divinement beau et me dire « Wouah, qu’est-ce qu’il est beau, mais je sais très bien que je ne le trouve que beau, et rien de plus, je n’ai pas de sentiments ». Là, c’était… tellement particulier. Oui, c’est ça, mon cœur a parlé tout seul, sans que je m’en rende compte. En fait, ça fait tellement longtemps que je n’ai pas été vraiment, pleinement amoureuse. Chuck et Pierre, c’était… si particulier. Chuck, parce que je me l’interdisais à ma manière, au début parce que j’étais avec Raphaël, ensuite parce que je venais de me séparer d’avec Raphaël, ensuite parce que je tentais de me persuader que non, il était juste un bon copain, et ensuite, au moment au je commençais réellement à m’admettre qu’il me plaisait terriblement, parce que j’ai appris qu’il aimait Jude, donc là, j’ai refoulé mes sentiments, j’ai tout masqué, j’ai tu mes envies et les mots qui s’écrasaient contre mes lèvres. Et Pierre, parce que… je ne sais pas. Une semaine sur deux divin, envoûtant, complice, enjôleur, drôle, intelligent, beau ; une semaine sur deux plus distant, moins en forme, ailleurs, me parlant de sa copine. Je n’osais pas non plus réellement agir, parce que je sentais le regard moqueur de Raphaël, et je savais qu’il ne plaisait pas vraiment à Romain et Charlène, ni vraiment à Jude, d’ailleurs.
Je ne sais plus pourquoi est-ce que je parle d’eux. Ah oui. Parce que je n’étais pas vraiment amoureuse. Je ne laissais pas libre cours à mes sentiments. Et en même temps, c’était très reposant. Je n’avais pas la sensation (du moins, un tout petit peu, à peine) de me perdre dans mes espérances, de m’user à attendre, et désirer de loin et de près, sans jamais toucher… sans jamais atteindre. Je contrôlais, je savais pour une fois dans ma vie me dire : « Non, pas vraiment, pas suffisamment, pas encore. » Je me protégeais, je ne brûlais pas toutes mes cartouches comme j’ai l’ai fait tant de fois. Lorsque je relis mes écrits d’il y a quelques années, je me rappelle soudain mon état d’esprit d’alors, et de la souffrance que j’ai parfois éprouvée lorsque j’aimais si fort… Je ne savais pas me dire non, me maîtriser, m’épargner d’inutiles douleurs, j’allais presque jusqu’à me laisser glisser doucement dans ces délicieuses cruautés d’aimer à s’en brûler les ailes, en chute libre, sans jalons, sans garde-fou ni frontière.
Et depuis un, deux ans, il y a cet apaisement en moi. J’ai parfois eu peur, je me suis parfois demandé si je n’avais pas « trop » aimé auparavant, et qu’à présent je ne risquais pas de devenir une frigide du cœur… si je n’avais pas utilisé tous mes jokers de « l’amour-passion », et qu’à présent, je ne pouvais plus me tourner que vers l’amour calme, une sorte d’amour raisonnable.
Mais je ne crois pas. Je ressens encore si fort certaines choses. Je suis toujours autant animée par cette envie profonde d’aimer, d’aimer jusqu’à en perdre mon souffle. Ce n’est pas une froideur, c’est un apaisement, je crois. Comme si j’arrêtais de brasser du vide, de pédaler dans la semoule comme on dit. J’ai plus envie de « viser » avec mes sentiments, de les poser sur la bonne personne. Je ne me sens plus l’envie de me poser comme un oiseau affolé sur la première branche, enfin non, pas vraiment la première branche, comment dire… Je ne fonce plus sur le mirage qui me semble si beau, puissant, merveilleux ; je prends du recul, je découvre, je vais pas à pas… Et je me blesse moins. Comme j’ai pu le faire pour Chuck. J’aurais été détruite, si je m’étais laissée l’aimer comme j’ai aimé il y a quelques années, de manière complètement compulsive, presque boulimique, maladive. J’allais écrire « de manière déréglée, instinctive », mais non, surtout pas : l’amour est toujours déréglé, sans règles, instinctif. Un amour régi par des codes écrits serait si trisite… sans vie. Même si des « codes » dans le sens léger et grave en même temps du terme sont toujours délicieux, pour guider de façon savoureuse le jeu…
Donc, ce n’est pas une manière plus « raisonnable » d’aimer. Aimer de manière raisonnable, ce doit être si atroce.
C’est une lente mutation qui s’est accomplie. J’ai appris à me pondérer, pour ne pas dispenser mon énergie, mon amour inutilement. Ah, ça m’agace, cette manière que j’ai d’écrire parfois une chose, et d’être d’accord avec elle, et en même temps de penser exactement le contraire… : par exemple : « inutilement » : bordel, un amour n’est pas « utile », du moins il ne se veut pas tel. Alors pourquoi cet adjectif ? Je ne sais pas, je ne trouve pas les mots, je les sens juste, parfois comme il faut, parfois non. Disons que j’ai appris à garder mon énergie, et à ne pas foncer droit dans le mur.
Mais là, tout à l’heure, devant cet inconnu que je croise quelque fois en ce moment dans les couloirs, mais dont j’ai réellement réalisé l’existence ce matin, c’est comme si mon cœur, moi toute entière, avait eu un sursaut de cette époque « lointaine » (mais pas révolue, je l’espère). Cette carapace perméable (non, tout de même pas imperméable, je ne suis pas un monstre frigide, un congélateur bienveillant, ou une nonne aseptisée, je souris, j’éprouve des choses, j’aime, un peu, beaucoup, passionnément, je suis sous le charme, j’aime charmer, je m’irrite, je deviens rouge tomate lorsqu’un beau garçon me fait un sourire, ou je soutiens son regard avec air (qui tente vaguement d’être) dégagé, je hurle, je bave devant les vitrines de soldes, je bavarde en cours d’analyse, je chante des chansons paillardes à la fac, je bois du muscat comme du petit lait l’espace d’une soirée, bref, je suis toujours un être normal), je disais donc, cette carapace perméable (et pas imperméable) s’est ouverte subitement, et une sorte de petit diable en est sorti comme de sa boîte, et s’est mis soudain à s’agiter dans tous les sens. Ca n’est pas très joli comme comparaison, mais c’était un peu comme la langue des grenouilles, qui hop, sorttrèsrapidementpuisrentretoutdesuite, lorsqu’elles gobent un moustique.
Mais lorsque je dis que je suis tombée amoureuse, bien sûr, ça n'est qu'un mot. Et puis j'ai bien dit : pendant une heure. Enfin, une minute. Qui s'est muée en heure. Euh, bref, (re-)passons.
C’était juste ça."
Et depuis, je suis tombée malade. Comme un chien! Ai traîné en pyjama (bon, oui, j'aurais pu être plus glamour en mettant "nuisette rose", mais en l'occurence, j'avais tellement froid que j'ai dit adieu au glamour, et je me suis emmitoufflée dans mon bon vieux pyj, après tout, on ne refait pas la classiques) tout samedi et la moitié de dimanche, à lire des magazines, feuilleter d'un air distrait mon bouquin de Diderot, regarder d'un oeil embrumé la télé, et manger des surimis avec du miel (euh, séparés, les surimis et le miel ; je sais que j'étais enrhumée, et que quand on est enrhumé, on perd l'usage de son odorat, mais j'avais quand même pas perdu l'usage de tous mes sens!)(ni l'usage de mon bon sens, ouahaha, quel excellent jeu de mots).
Bref, la grande joie, quand on sait que le samedi soir, grosse fête prévue depuis un mois chez Charlène. J'y ai assisté par la pensée, du fond de mon lit avec la sensation d'avoir le cerveau pris dans un étau, c'était formidable...
Oh, j'ai cours demain, et je suis contente, contente, contente... Je suis absolument folle de joie à l'idée de travailler, eh oui, il n'y a que les fous comme moi qui sont comme ça... lalalala... N'importe quoi! Oui, j'écris vraiment n'importe quoi!
Ah oui, j'allais oublier. J'ai cru mourir de bonheur. Mon premier cours de théâtre depuis... si longtemps. Trop longtemps. Enfin. Je reprends. Le théâtre qui revient. L'atmosphère de la salle, les gradins, les affiches au mur, souvenirs de "belles aventures", des projets, des envies... "Allez, on y va?" Oh que oui, on y va. Le bonheur de broder sur des idées, de voir des gestes mécaniques devenir des chorégraphies à plusieurs, gestes qui se décalent doucement, et c'est comme une symphonie muette, par la simple répétition d'un mouvement qui évolue et se transforme. Ce bonheur, oui, ce bonheur de me sentir vivre, vibrer, faire du théâtre, du théâtre, du théâtre. Cette chose qui a été si importante pour moi durant tant d'années. Et qui là, revient, revient, j'ai envie d'être déjà à ce cours, déjà. Impatience qui fait trembler les sols. Les do? Des sourires qui se perdent...
Et ce plaisir de prendre soin de moi, en ce moment, de faire attention. Sourire en me regardant dans le miroir, sourire de bien s'aimer, envers et contre tout, parce que tout, malgré tout, avec tout, pour tout, surtout. Ca fait du bien, de bien s'aimer.
Et ça fait du bien, de se sentir vivre. Briques par briques, pour bien construire. Bribes par bribes, pour la juste dose de folie à mélanger à tout ça.