Oui, serais-je en train de me faire une régression pré-fac??
On peut parler d'un curieux mélange...
Hier soir, prise d'un élan de volonté de culture infini, je décide, faisant marque d'un volontarisme certain, de me lire le pavé de 657 pages que sont les Anti-Mémoires d'André Malraux. Il n'est pas nécessaire de dire qu'au bout d'une quinzaine de pages, je décide de recommencer depuis le début ma lecture, n'étant pas certaine d'avoir tout compris.
Cet après-midi, après avoir vu une pièce formidable, Cruel and Tender, au Théâtre des Bouffes du Nord, je me sens soudain assaillie par une somme formidable de doutes tout aussi formidables sur la fac, ma rentrée, l'avenir, etc.
Bref, l’angoisse. Passagère, mais tout de même présente.
Sur quoi, je suis investie par l’envie brusque de créer. J’aspire profondément à faire quelque chose de mes mains, qui me vide complètement la tête. Pas la musique, car en ce moment je délaisse un peu, je ne sais pourquoi, le piano, et je me concentre complètement sur la technique, qui me fait défaut, en flûte à bec. Pas non plus le dessin, je suis devenue bien trop perfectionniste pour faire du n’importe quoi, chaque dessin me demande au moins une heure de travail pour arriver à mon but. Pas de croquis, je ne me sens pas d’humeur de dessiner ce qui me passe devant les yeux. J’ai une envie bête, quasi-arrièrée, de faire des « activités manuelles », comme on le dit en maternelle. C’est ça, presque du collage, pur et simple. Des découpages. Quelque chose d’à la fois destructeur (couper, taillader, voir les morceaux de papiers qui sont sauvagement séparés les uns des autres), minutieux (bien mesurer la taille des morceaux, l’intersection des bandes de papier…), constructeur (échafauder une superbe pochette surprise avec pompons), simple (découper, découper, découper…), exigeant (ne pas se couper le doigt avec), et ludique (haha ! Wahou, j’ai fait une cocotte en papier !).
Donc, je me suis fait deux heures, découpages, collages, vols de papiers en tout genre à travers toute la pièce, pliages, mesures, tracés, bref, confection de trucs supers inutiles, assez ridicules, hyper simples dans l’ensemble, et très complexes pour d’autres, bref, activité sans but aucun, sans projet, rien, en entrant dans ma chambre, on se serait cru à la Fête à Neuneu, ou à l’atelier découpage de la Kermesse de la maternelle Gros Nounours,
mais cétait EXTREMEMENT détendant.
Quoi de plus apaisant que de passer une heure à faire un papier mural en relief zigazagué, dit « composition originale, destinée à orner les murs de votre salon, ou, qui sait, peut-être en ferez-vous une sculpture novatrice et intéressante, qui ravira vos invités et égayera votre intérieur », mais en sous-titré, un truc super-chiant à faire, et d’une laideur incroyable en résultat ?
Dans un registre plus sincère, j’avoue que faire de petites fleurs en carton, c’est assez marrant. Surtout lorsque je tombe sur le mode d’emploi pour faire des étoiles à quatre branches. C’est vrai que c’est tellement difficile…
En résumé, un mélange de tours de pro, et de pliages pour 3-4 ans (je voyais déjà les ciseaux à bout rond et les pots de colles avec la petite languette !!), et je dois dire c’est assez fun.
MY God, si quelqu’un m’avait surprise à ce moment-là, je crois qu’il se serait inquiété pour ma santé…
Hum, ma mère est entrée au moment où, dans une concentration extrème, je confectionnais une « boucle à œuf de Pâques ornée d’une étoile des neiges »…
- Heuuh, qu’est-ce que tu fais ?
- …
- Feu ?
- (marmonnement ultra-concentré) Nétoildéneig………..
- Ah, euh, c’est… (se penche par dessus l’épaule de l’artiste en action) Euh, très joli. Tu… aimes ça ?
- … Détend.
- Oui, oui, ouioui, bien sûr. (le dout envahit soudain la mère : sa fille serait-elle devenue débile ? La veille de la rentrée en fac, en plus, quel désastre !)
- Ah zuthyperchiermerdebordeljesupermerdemerde !!
- Qu’est-ce qui se passe ?
- La boucle de mon nœud de Pâcques ne colle pas !!
- Ah. C’est… un gros problème, en effet…
- Merdeuuuuuuuh !!
- Bon, je vais te laisser je crois …
- Hein ? (soudain, l’être quasi-cromagnon qui avait pris la place de sa fille s’éveille) Aaaaah ! Mais, je fais juste ça pour me détendre, ça fait du bien, j’aime bien créer, c’est vraiment marrant, tous ces origamis, pliages, collages, tu vois, c’est manuel, j’avais besoin de ne plus penser, euh, ça fait du bien, oui oui ! (Elle se répend en explications plus minables les unes que les autres)
- Ah, d’accord… (hum, ce d’accord semble assez dubitatif) Bon, alors, origamise bien !
La fille, avant de replonger dans ces passionnantes activités, réalise avec accablement à quel point elle semble être plongée dans une bulle intemporelle, retournée quelques douze ans en arrière, à l’époque divine ou elle évoluait gaiement à la maternelle, une poupée décapitée dans une main, un vieux morceau de tissu trempé dans l’autre ; ah, quel bon temps !… Mais après tout, elle s’en fout, qu’est-ce que c’est chouette de faire des origamis, hein, alors zut.
Donc, le conseil du jour : faites des origamis.
Inspirations soudaines :
Antigone
Bouarf, j'en ai encore pour deux semaines de vacances.
Peut-être bien que je vais me mettre à l'origami jusque là, à défaut d'avoir rien trouvé de plus intéressant. Merci pour cette idée géniale...