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Respirer l'hiver

J'aimerais bien raconter des tas de trucs, des trucs formidables qui me seraient arrivés cette semaine, des trucs qui font battre le coeur à toute vitesse juste parce qu'on est euphorique, ou des trucs invraisemblables, abracadabrants et complètement fous, ou une succession de moment géniaux, mais curieusement, je n'ai pas du tout la sensation d'en vivre en ce moment.

Je dis "curieusement", parce qu'en fait, si, quand même, j'en vis. En répétition tout le week-end pour un concert mardi soir, qui a rencontré un franc succès ; nous tous, les musiciens, habillés façon baroque, je me sentais jolie avec mon haut avec de la dentelle et mes petits talons. De la musique partout, une conférence passionnante, des feuillets qui volent, les cordes qu'on tend et l'accord qu'on donne, et le départ, ça y est, on joue.
Il y a eu aussi cette soirée à l'Opéra Bastille, samedi, pour voir le Nez de Chostakovitch avec des places à 130 euros, qu'un ami d'ami d'ami d'ami d'ami de la mère de Mathilde nous avait eues gratuitement parce qu'il avait une relation qui travaillait là-bas. Placées exactement comme la caméra dans les documentaires sur Arte, pile en face de la scène, dans le Parterre, entre deux vieux en manteau de vison, parure Chanel et costume de chez Dior Homme. La mise en scène magnifique, novatrice, avec des décors époustouflants et sobre en même temps. Grandiose, tout simplement.
J'attends Mathilde devant l'Opéra, et c'est un défilé de gens, de privilégiés abonnés, de chanceux qui comme nous se sont bien débrouillés, de gens qui viennent avec les places à 5euros prises une demie-heure avant, au 4e balcon tout au fond... Mais tous sur leur trente et un. Ici une écharpe blanche, là des chaussures en daim, une étoffe de soie qui surgit d'un col, là-bas des talons vertigineux et jambes fuselées gainées de noir. Une fresque des personnages dont je me sens plus ou moins proche, que je regarde parfois avec curiosité, admiration, surprise, envie, humour. Un côté bal, un parfum d'avant, où l'on ne sortait en ville que "habillé pour le soir".
Et en rentrant, longue discussion exlatée avec Mathilde. Plein de choses personnelles, que parfois nous n'avions jamais abordées auparavant, des projets, des envies. On parle livres, Apollinaire, Diderot, Céline, souvenirs mêlés, émotions dont on se rappelle avec plaisir, à coups de nostalgie ou d'éclats de rire. Sans doute ma conversation la plus intime avec elle. Ce bonheur partagé de trouver le mot juste, de rêver et de nuancer, de réfléchir profondément en s'enthousiasmant sur tel auteur un instant, et de dire n'importe quoi l'instant d'après, puis d'enchaîner sur une confidence fracassante et/ou drôle.
Qu'est-ce que je l'admire, Mathilde. Ce brin de femme, cette fille brillante, au coeur d'or, fière et généreuse, sensible et réaliste, tout ça réuni dans un sacré bouquet qui en fait quelqu'un de formidable, que j'ai envie de garder le plus longtemps possible en moi. Des amitiés comme ça, c'est précieux.

Encore avant, mardi 15, c'est Dora, Mathilde et moi, pour fêter les 19 ans de Dora. Je ne sais même plus si j'en ai déjà parlé. Les rues de Paris, Montparnasse, le froid vif, et on s'engouffre Chez Clément. Cadre chaleureux et banquettes moelleuse, un petit coin près de la fenêtre et un serveur qui me lance des coups d'oeil, on rigole un peu fort, on partage des idées et on chuchotte des trucs un peu dingues ; la conversation devient de plus en plus libre, et ça fait un bien fou. Des choses personnelles qu'on partage soudain, on est toutes les trois, là, comme si on s'était vues hier pour la dernière fois, avec cette complicité forte, sûre, évidente, et on réalise soudain que c'est formidable d'avoir conservé ça, après le lycée, et renforcé, même.
Au dessert, je sort des bougies de mon sac et les plante dans la glace de Dora, on lui offre nos cadeaux, elle sourit tout grand. On discute et son téléphone sonne trois fois, à chaque fois au moment formidablement croustillant de la conversation, je fais "HOUUUUUU!!" alors que Dora a fini par décrocher. Elle se débat en riant, c'est Hugo au bout du fil, on crie :" Salut Hugo!!", le serveur nous regarde avec un sourire dans les yeux, on est bien, bien, bien.
Et puis ce voyage à Berlin, nous trois avec Antoine qui revient deux semaines du Canada, qui se profile, pour les vacances.

C'est curieux, mais une fois ces choses passées, à peine une semaine après, je me sens un peu vide, un peu flottante. Parce que pas grand-chose de palpitant à l'horizon, même si. Plutôt du travail, un mois de décembre très chargé, des dissert et des exposés, une colle de lettres pour laquelle j'ai eu la folie de m'inscrire ce mercredi qui vient, je suis vraiment dingue. Des concerts encore à préparer, des textes et de l'iconographie à préparer pour ça, du travail, oui, du travail.

Je réalise que je n'ai pas vu Pierre depuis très, très longtemps. C'est con, mais il me manque un peu, peut-être. J'ai bien aimé notre dernière conversation, dans ce café rue Daguerre, les choses dites, les idées creusées, et puis les possibilités qui s'ouvraient. Vais p'être le revoir. Histoire de. Pas d'ambiguité. Juste pour déconner encore une fois, retirer des plans sur la comète, et qui sait, peut-être recomposer un concerto à deux mains pour pile, hélice et tôle.

Envie de vivre des trucs drôles, pas forcément des choses fortes qui font monter jusqu'au plafond. Juste des choses qui donnent envie de courir partout, de marcher dans Paris, de rigoler tout haut et de se dire "Qu'est-ce qu'on est bien".
Oh, et puis, si mon coeur pouvait se mettre à se marrer lui aussi un peu, ça serait peut-être chouette. Parce que c'est vrai que là, ça n'est pas l'extase formidable. N'allons pas dire que je suis difficile, et que Fred bliblibla. D'ailleurs, je l'ai revu ce matin, encore plus timide que d'habitude, mais avec du répondant quand même. Je ne sais pas si j'avais de la peine pour lui. Je ne crois pas. J'étais peut-être un peu gênée pour lui. Bref.
Donc oui, juste envie de rire tellement spontanément, et partager des moments chouettes. Encore. Envie de dire : "Encore, j'en veux encore et encore", oui, je crois que c'est ça.
De boire un chocolat chaud après une ballade dans la froid, et de rigoler soudain pour n'importe quoi, avec ce côté gustatif de ce mot, "rigoler", ce "go" qui fait comme une grimace drôle et clownesque et puis "ri" pétillant, juste parce qu'on a le rire qui circule en soi, qu'on a la gaîté qui fait des étincelles dans la tête, qu'il y a ce petit quelque chose de l'hiver que j'aime tant, qui fouette le sang et fait picoter les joues, de respirer l’air vif qui pique le nez et me fait rire comme un truc hallucinogène, qui me donner envie de marcher vite et de m'emmitoufler dans une écharpe épaisse tout en sentant le vent qui s'engouffre dans mon cou, tout ça, tout ça.

Demain, selon Métro, il devrait neiger. Ca, c'est de la source sûre. Hum.

Du travail en perspective. En fait, besoin de vacances, je crois. Ou non. Besoin de vie.

Encore.

Ecrit par Feu, le Jeudi 24 Novembre 2005, 16:56 dans la rubrique Ecrits.

Inspirations soudaines :

souffle
souffle
25-11-05 à 01:01

j'ai eu le courage de tout lire malgré la douleur que j'ai dans les yeux. ouais ouais tu racontes bien... si j'avais seulement le quart à raconter lol...

 
Feu
Feu
27-11-05 à 18:10

Re:

Douleur dans les yeux?... Conjonctivite?