Une cerise
Je suis fatiguée. Fatiguée. Fatiguée de jouer encore et encore sans résussir à trouver cette clef, ou si lentement, si lentement. Pourquoi n'ai-je pas travaillé avant ce morceau sur aiguilles, ce morceau longue durée, ce morceau régularité, ce morceau légèreté.
En même temps, tout est si simple, et je vais bien.
Tout à l'heure, allongée dans la pelouse du jardin devant le conservatoire. L'herbe sous ma nuque, la mousse qui effleure mes mains. La nuit tombe doucement, c'est l'heure entre chien et loup, l'heure que j'aime, où je sens cette petite mélancolie gaie, cette petite joie triste, qui monte en moi, sans rien dire. Les pensées qui me traversent sans bruit, juste un peu, ma tête se vide, et progressivement, je ne pense plus à rien. Je suis. Un être qui vit. C'est tout.
La fin de l'année qui arrive à toute vitesse, et je ne le réalise même pas. Je n'ai même pas ressenti quelque chose, lundi. Demain, je ne sais pas non plus. Sans doute crois-je que les partiels sont une prolongation de tout ça, des cours. Peut-être suis-je plus sereine, parce que cette année a été belle, qu'elle s'achève plutôt bien ; alors, je tente moins de m'y accrocher, pour recréer ce qui n'a pas été. Puisqu'au contraire, cette année, tout a été. Les choses sont venues, je les ai vécues, pleinement, j'en ai eu envie, elles sont arrivées.
Demain, dernier "vrai" jour de cours. Puisque ne compte qu'à moitié les deux heures de jeudi matin.
Dernier cours avec Pierre. Puisqu'il ne continuera pas l'histoire de la musique l'année prochaine ; il prendra peut-être informatique, car avec sa philo, il n'a pas le temps de bosser l'histoire de la musique. Avant-dernier avec Chuck. Chuck, qui s'en va l'année prochaine. Il s'en va. Fin du trio du groupe 2. On tourne une page.
Dernier cours avec Romain, puisqu'il ne vient jamais le jeudi matin. Lui aussi, il s'en va, l'année prochaine. Son air bonhomme me manquera. Son sourire serein, sa chaleur, son côté décalé.
Et puis des moules et puis des frites, et puis des frites et puis des moules.
J'ai un air de Jacques Brel qui me trotte dans la tête. Je me contrefiche de si c'est à-la-mode-ou-pas.
Et puis des moules et puis des frites, et puis des frites et puis des moules...
Oh, hier, j'ai mangé un abricot et des cerises, et ça m'a fait un choc incroyable. Lorsque j'ai plongé la main dans le sac de papier que ma mère avait ramené du marché, et que j'ai senti la texture veloutée des abricots, une sensation très étrange s'est produite en moi. Il a fallu que je sorte le fruit, et que je voie les cerises rouges, brillantes, pour qu'elle se confirme.
Oui, j'étais vraiment émue de voir ces fruits, que je n'avais pas vus depuis... l'automne dernier. Huit mois sans cerises. Ca m'a fait tout drôle. De constater que mine de rien, même longtemps après, je les retrouve. Toujours là.
Et le goût, le goût. La douceur, mi-farineuse mi-juteuse de la petite joue orange, et le piquant délicieusement sucré des billes carmin. J'en étais toute renversée. Juste ça. Il a fallu juste ça.
Même avec mes doigts qui me faisaient mal ; même avec les quatre messages qui s'accumulaient sur mon répondeur, auxquels je n'avais pu répondre, faute de temps ; même avec le travail fou qui m'attendait, j'ai souri, tout simplement. Juste grâce à ce goût d'été, ce goût de liberté.
Tenez, là, j'ai mis deux cerises-soeurs (liées par la queue) dans ma bouche, et j'ai fait ce que j'adore faire, j'ai tiré sur leurs queues, en serrant les dents. Ca a fait "poc", lorsque ça s'est décroché, et j'ai croqué la chair succulente. Ca m'a mis dans une bonne humeur folle.
J'adore le mot "succulent". Sa simple orthographe représente très bien ce qu'il exprime.
Demain, je vois Pierre. Je vois Pierre.
Dernier jour de cours. Dernier jour de cours.
Allez, hop, une cerise.
En même temps, tout est si simple, et je vais bien.
Tout à l'heure, allongée dans la pelouse du jardin devant le conservatoire. L'herbe sous ma nuque, la mousse qui effleure mes mains. La nuit tombe doucement, c'est l'heure entre chien et loup, l'heure que j'aime, où je sens cette petite mélancolie gaie, cette petite joie triste, qui monte en moi, sans rien dire. Les pensées qui me traversent sans bruit, juste un peu, ma tête se vide, et progressivement, je ne pense plus à rien. Je suis. Un être qui vit. C'est tout.
La fin de l'année qui arrive à toute vitesse, et je ne le réalise même pas. Je n'ai même pas ressenti quelque chose, lundi. Demain, je ne sais pas non plus. Sans doute crois-je que les partiels sont une prolongation de tout ça, des cours. Peut-être suis-je plus sereine, parce que cette année a été belle, qu'elle s'achève plutôt bien ; alors, je tente moins de m'y accrocher, pour recréer ce qui n'a pas été. Puisqu'au contraire, cette année, tout a été. Les choses sont venues, je les ai vécues, pleinement, j'en ai eu envie, elles sont arrivées.
Demain, dernier "vrai" jour de cours. Puisque ne compte qu'à moitié les deux heures de jeudi matin.
Dernier cours avec Pierre. Puisqu'il ne continuera pas l'histoire de la musique l'année prochaine ; il prendra peut-être informatique, car avec sa philo, il n'a pas le temps de bosser l'histoire de la musique. Avant-dernier avec Chuck. Chuck, qui s'en va l'année prochaine. Il s'en va. Fin du trio du groupe 2. On tourne une page.
Dernier cours avec Romain, puisqu'il ne vient jamais le jeudi matin. Lui aussi, il s'en va, l'année prochaine. Son air bonhomme me manquera. Son sourire serein, sa chaleur, son côté décalé.
Et puis des moules et puis des frites, et puis des frites et puis des moules.
J'ai un air de Jacques Brel qui me trotte dans la tête. Je me contrefiche de si c'est à-la-mode-ou-pas.
Et puis des moules et puis des frites, et puis des frites et puis des moules...
Oh, hier, j'ai mangé un abricot et des cerises, et ça m'a fait un choc incroyable. Lorsque j'ai plongé la main dans le sac de papier que ma mère avait ramené du marché, et que j'ai senti la texture veloutée des abricots, une sensation très étrange s'est produite en moi. Il a fallu que je sorte le fruit, et que je voie les cerises rouges, brillantes, pour qu'elle se confirme.
Oui, j'étais vraiment émue de voir ces fruits, que je n'avais pas vus depuis... l'automne dernier. Huit mois sans cerises. Ca m'a fait tout drôle. De constater que mine de rien, même longtemps après, je les retrouve. Toujours là.
Et le goût, le goût. La douceur, mi-farineuse mi-juteuse de la petite joue orange, et le piquant délicieusement sucré des billes carmin. J'en étais toute renversée. Juste ça. Il a fallu juste ça.
Même avec mes doigts qui me faisaient mal ; même avec les quatre messages qui s'accumulaient sur mon répondeur, auxquels je n'avais pu répondre, faute de temps ; même avec le travail fou qui m'attendait, j'ai souri, tout simplement. Juste grâce à ce goût d'été, ce goût de liberté.
Tenez, là, j'ai mis deux cerises-soeurs (liées par la queue) dans ma bouche, et j'ai fait ce que j'adore faire, j'ai tiré sur leurs queues, en serrant les dents. Ca a fait "poc", lorsque ça s'est décroché, et j'ai croqué la chair succulente. Ca m'a mis dans une bonne humeur folle.
J'adore le mot "succulent". Sa simple orthographe représente très bien ce qu'il exprime.
Demain, je vois Pierre. Je vois Pierre.
Dernier jour de cours. Dernier jour de cours.
Allez, hop, une cerise.