Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)

Retiens le temps, retiens l'instant.

Plus vraiment l'envie d'écrire ici. J'ai vécu tant, j'ai vécu des choses si simples, si belles, si évidentes, que j'ai comme l'envie de toute garder pour moi. J'ai envie de mettre des photos par centaines ici, comme un prétexte pour revoir encore une fois leurs visages, et pourtant, c'est comme si quelque chose à l'intérieur me soufflait de ne rien laisser passer. Instants trop précieux, trop frais encore pour les mettre sur 'papier', pour modifier les prénoms, pour suggérer seulement tout en racontant un peu, mais pas trop.
Arrive pas.

Vraiment, on ne réalise toujours qu'à la fin à quel point c'était formidable.
Parce que pendant, tout paraît si simple. Tellement simple et bien qu'on en a pas une conscience réelle. Parce que oui, durant ce stage d'une semaine, l'affect était beaucoup moins présent. Que dans le précédent, qui durait dix jours. Peut-être parce que nous étions moins. Parce que le niveau était plus élevé, les gens nouveaux, sympathiques, formidables, enthousiasmants. Tous. Plus grands. Pas de petits. C'était si... évident, oui, je ne trouve pas d'autre mot, je ne trouve pas!...

J'en veux encore.
On en voulait tous encore.
Ce rythme-là pendant des semaines nous aurait suffi.
Se retrouver chaque matin au café du coin pour le petit déjeuner, ce café qui n'a pas bougé depuis les années 70. Mon lait froid, le grand crème de Jude, le chocolat de Manu, le lait en bouteille d'Ana et le rien du tout de Charlotte. Les autres qui nous rejoignaient peu à peu, après. Manu qui sifflait sous la fenêtre de l’hôtel pour nous signaler son arrivée, et notre réponse, chantant à tue-tête…

Les flûtes, par dizaines. Des consorts superbes, des instruments magnifiques, mis à notre disposition par la prof, si dynamique, musicienne, enthousiasmante, pleine d'humour. L'abbaye, incroyablement belle.

Je crois que tous, sans le savoir vraiment, on n'en revenait pas que ce soit si bien. Simplement.
Sur les photos, on a l’air heureux. Comme si c’était naturel que nous soyons là. Pas de discussions sur « la vraie vie, c’est ça », non. Juste un bonheur évident. Le naturel. On vit, les heures passent, filent, plus ou moins vite, mais toutes aussi belles.

Voilà.
J’ai trouvé :
Une semaine sans faute.

L’appareil photo que je manie aussi de mieux en mieux. Les clichés colorés du deuxième jour, tous habillés en couleurs vives, la brochette des débardeurs aux tons pourpres, le retardateur qu’on met pour aller se placer à toute vitesse à côté des autres, et les idées de thèmes pour délirer qui fourmillent.
Je remarque à présent que mes plus belles photos sont celles de Syd.

Je me rappelle son arrivée, le premier jour, un peu après tout le monde, après la visite de l’abbaye. Le groupe est plutôt jeune chez les flûtistes, entre 17 et 20 ans, et chez les chanteurs, très hétérogènes, entre 20 et 60, avec deux moyennes vers 30 et 40 ans. Alors que nous sommes autour de la prof pour apprendre d’elle l’organisation du stage, je vois apparaître par la porte voisine un garçon. Grand, très grand, cheveux noirs, visage anguleux, pommettes hautes, regard noir, et un air très doux.
Immédiatement, je pense : ‘chanteur’. Car juste avant, je m’étais amusée avec Charlotte, (avec laquelle j’avais pris en compagnie de Jude le train à l’allée), à deviner en une simple évaluation du regard si tel ou tel stagiaire était chanteur ou flûtiste. Jusqu’ici, on avait eu bon partout, sauf pour une jeune femme, que nous avions supposée flûtiste, et qui s’est révélée chanteuse.

Alors, avec déjà une pointe de déception, je suppose donc qu’il est chanteur. Oui, bêtement, j’avais sans doute quelques préjugés ! Avec cette aisance, ce charme singulier, ce cou dégagé, il ne peut être que chanteur… Car jusque là, tous les flûtistes hommes que j’avais rencontrés ne m’avaient jamais réellement inspirée... Hum, hum. Un petit côté soit poussiéreux, soit un peu bizarre, introverti, ou simplement pas extrêmement avenant physiquement. Je n’avais jamais rencontré de prof homme qui soit la révélation, ni d’élève qui en soit une non plus.

Et soudain, je le vois lever la main lorsque la prof demande qui est flûtiste. Je n’en crois pas mes yeux ! Lui, flûtiste ?? Incredible but true ! (à prononcer « Incrédible butte tru », ça fait nettement plus classe qu’avec l’accent du Yorkshire). J’échange avec Charlotte un regard complice, je crois qu’à cet instant, il y a eu comme un petit flottement entre nos deux regards, comme si l’on n’osait penser à demi-mot ce que pensait aussi l’autre, mais avec cette drôle de petite complicité créée par le moment.
Le voici donc flûtiste. Notre petit groupe de sept flûtistes, plus particulièrement cinq, plus Jude, qui, elle, chante. Nous.

Et chacun des stagiaires s’est révélé… je ne trouve pas le mot. Singulier. C’est peut-être un des plus beaux compliments que l’on pourrait faire, selon moi.
Des surprises de jour en jour ; on s’apprivoise doucement. Juste en vivant ensemble, en faisant de la musique ensemble. Sans forcément parler durant des heures, sans philosopher sur le monde. On discute, on partage des repas, on prend des photos, on se marre comme des dingues, et la minute d’après on est ému par tel Ricercar italien. On fait du badminton en plein milieu de la cour de l’abbaye, on s’affale sur l’immense pelouse, et puis le soir, les instruments s’accordent avec les chanteurs, et chacun trouve la justesse du mieux qu’il peut, pour produire la beauté de l’harmonie. Des moments forts, qui paraissent si naturels.

Je n’arrive pas à raconter, j’ai comme l’impression d’en perdre une partie…

Ce si joli texto que Syd m’a envoyé hier matin, à 9h. Si subtil et drôle. Mais chut, je le garde pour moi, lui. Ne pas tout dire.
Nos regards et nos sourires qui ne décrochent pas, lors d’un morceau. Ce petit piquant léger…
Il est une surprise perpétuelle, je découvre avec plaisir chaque petite facette, comme pour les autres stagiaires, d’ailleurs. Mais lui, particulièrement. Cette douceur, cette spontanéité, alliée à la musicalité, la finesse. Ca doit sans doute faire grandiloquent, vu comme ça. Mais non. C’était lui, simplement.

‘Décidément, on se sera rentrés dedans un bon nombre de fois, durant ce stage !
Après un premier au revoir, il si glisse auprès de moi pour me demander mon numéro. Tandis que je lui énonce mon portable : ‘J’aime beaucoup l’enthousiasme avec lequel tu dis ces chiffres !’. Alors qu’il remarque la bonne dose de chiffre trois dans son numéro, je le remercie de m’avoir donné son téléphone par un : ‘ Merci, cher numéro trois !’ ; il note ensuite le grand nombre de zéros dans le mien, et ajoute en souriant : ‘Mais je ne vais pas t’appeler numéro zéro, car tu n’es pas du tout un zéro, bien au contraire, tu as de la valeur, et une grande.
Petit frisson, j’ai l’impression que ce rapprochement qui s’amorçait depuis quelques jours arrive trop tardivement, nous n’aurons pas le temps, pas le temps. Je voudrais rattraper les heures, remonter l’aiguille à l’envers sur le cadran. C’est comme si, inconsciemment, on s’apercevait que le temps est passé, et que nous avions de l’intérêt l’un pour l’autre, un tant soit peu.
Après un énième au revoir, il nous raccompagne soudain à la voiture, Ana, Jude, et moi. ‘On s’appelle pour faire de la musique ? Et puis même si ce n’est pas pour faire de la musique !’
Un dernier au revoir derrière la vitre. ‘Ca va être dur de tourner la page…’

Il ne tient qu’à nous de ne pas la tourner. Même si nos villes sont séparées par trois cents kilomètres.
Juste pour la jolie note, pas forcément des rêves fous, juste parce que c'était joli, et qu'il aurait fallu plus de temps. On en aurait tous voulu plus. Tous.

Je nous revois encore dans l’herbe, tous…
Et ce morceau qui est devenu le nôtre, et qu’on se précipite pour jouer dans l’entrée, après le concert dans lequel il n’était pas inclus, l’ayant déjà joué vendredi.

Je revois tout et ne veux oublier personne.

Le chanteur Jacob, drôle et remarquable.
Tous, tous, je ne peux en citer un seulement, tous seraient à dire, à exprimer. Sans exeption. Parce que chacun a eu son rôle, m’a procuré une sensation différente, à offert un moment.

C’était si… Si.
Si dièze, do bémol.
La différence entre ré dièze et mi bémol, je me rappelle, nos oreilles troublées, oui, on rit pour de la musique, c’est notre petit monde, à nous tous.

Tout à l’heure, épuisée après avoir défait puis refait ma valise pour départ de demain, je me suis laissée glisser contre le mur, et j’ai fermé les yeux. Sentir les larmes qui naissent sous les paupières, juste un peu. Lutter pour ne pas les laisser s’échapper, tenter de garder en soi la mélancolie post-stage qui pointe doucement, et puis l’eau salée coule sur ma joue. Une, puis deux. Vas-y, serre ton cœur, petite, ravale tes larmes, ça ne sert à rien, ça ne raccourcira pas les kilomètres. Ca ne remontera pas le cadran, ça ne retournera pas le cours du temps. Ca ne trouvera pas tes réponses à tes questions.
La gorge qui devient plus étroite, bloquée. Chut.


Et à l’autre bout de la France, mon grand-père, qui s’éteint peu à peu. Il va mourir, je le sais.
Ce grand-père que je n’ai pas eu le temps de connaître. Deux ans, c’est court. Une demie-douzaine de lettres, plusieurs jours passés l’un avec l’autre, dans sa grande maison. ‘Ca sera la dernière fois que tu le verras, Feu’ m’a dit maman ce matin. Je suis restée assise sur mon siège, comme si la mécanique de mon regard s’était cassée soudainement. Impossible de lever les yeux ailleurs que droit devant moi. La dernière fois.
Ce temps.
Que je vais peut-être.
Finir par haïr.
Juste quelques fois.

Et encore. Pas de haine, non.
Juste de la tristesse.

Pourquoi y a-t-il trois cent, quatre cent, je ne sais pas combien, kilomètres entre Metz et Paris ?
Et pourquoi neuf cent entre Paris et Bandol ?


Mais après ça, la Sicile. Contentement et interrogation à la fois. Si mon grand-père meurt, comment partir sereinement là-bas ? Et ma mère, comment sera-t-elle ? En quel état moral ?

J’aurais voulu écrire une note joyeuse, pleine de lumière.

Je vais tenter de faire comme le dit Céline dans sa préface à Voyage au bout de la nuit.
Il
suffit de fermer les yeux. Comme je l’avais écrit à grand-père dans ma dernière lettre.
Alors, imagine les couleurs, imagine.

Je n’ai pas envie de perdre ceux que j’aime. Ceux que j’apprécie. Ceux avec qui il s’est produit, sans forcément s’en apercevoir de façon intense et soudaine, la petite étincelle. Ce petit quelque chose qui a donné envie de se rapprocher, de passer outre le temps et les kilomètres, peut-être. Même si ce n’est pas forcément toujours réalisable. Je ne sais plus exactement ce que je dis.

Je repars demain matin aux aurores.


Je vais trouver la couleur, je la trouverai.

 

Ecrit par Feu, le Mardi 2 Août 2005, 18:47 dans la rubrique Ecrits.

Inspirations soudaines :

manzin
manzin
02-08-05 à 19:16

ça s'en va et ça reviens, c'est....toi! :)

tin j'étais content de voir que tu avais écris un nouvel article, mais alors il m'a foutu les boules.
Je veux dire que j'ai partagé tes sentiments de tristesse et je compatie.

Alors tu t'en va demain a nouveau? tu dois etre en pleine forme a force de courir comme ça.

PS: dans le genre rien a voir, je suis passé dans ta ville l'autre jour. Très mignon mais j'ai point vu de Feu :)

 
Feu
Feu
02-08-05 à 19:46

Re:

Eh oui, me revoici! Décidément, ce façon très, très brève... Quand vais-je réussir à me poser à Paris pour plus d'une semaine?
Et en même temps... ça me permet de m'activer et d'éviter, justement, ces petits élans de mélancolie possible. Pas toujours évident de décrocher d'une planète habitée durant une semaine!

Voui, je m'en vais encore ; je sais, encore une fois je pars... Sorry! ;)
J'avoue que je suis un peu crevée, là, je n'ai qu'une envie, c'est m'affaler sur le canapé en regardant un bon Dvd, par exemple, American Beauty, ou Bienvenue à Gattaca... Envie de prendre mon temps, de mettre entre parenthèses les semaines passées, de parvenir à penser à autre chose. Pas facile!

J'espère qu'à mon retour, on trouvera un peu de pour bavarder!
Ciao manzin, see you!

PS : pour ma ville, tu as dû tomber sur un quartier sympa, parce que le reste, c'est pas terrible-terrible, le marie détruit toutes les jolies maisons pour construire de grosses horreurs, ah, ça me... grrr! Je m'énerve rien qu'en y pensant!
:)


 
manzin
manzin
02-08-05 à 20:00

Re: Re:

"J'espère qu'à mon retour, on trouvera un peu de pour bavarder!"

Marrant ca, c'est pas temps que tu voulais dire?
C'est quand tu cherches du temps qu'il n'est plus la, et tu en cherche tellement que le mot disparait de ton esprit!

Ca c'est marrant!

Ciao Feu, t'excuse pas de partir profites en. Bon ok c'est vrai que je suis pressé de pouvoir discuter avec toi, mais y a pas la Feu au lac! (Mais comment je suis trop drole ce soir!)
Va, cours, vole et reviens nous pleine de souvenirs dont on aura, je le sais, largement le temps de discuter plus tard.

 
merry
02-08-05 à 22:35

C'est maintenant à ton tour de me toucher avec le commentaire que tu me laisse, et à mon tour je ne sais pas quoi dire, peut être faut il d'ailleurs que je ne dise rien, parfois un long silence vaut mieux qu'un long discours selon le proverbe.

Alors juste te souhaiter une très bonne soirée, et puis une bonne nuit surtout. Bisous à toi.

P.S : Mon "Chez Moi" t'es ouvert à tout moment.


 
Mélina
03-08-05 à 01:48

Re:

Tes mots me touchent, tu décris tellement bien l'ambiance spéciale que j'ai connue une fois ou deux, lors de camps.

Je t'embrasse! Bonnes vacances!

 
merry
06-08-05 à 19:22

Pendant longtemps je dois dire je t'ai cherché sur le net. A vrai dire, si j'avais réfléchis un tout petit peu plus, je t'aurais trouvais plus vite, et j'aurais pu te connaitre plus rapidement aussi. Je viens sur ton site régulièrement pour voir l'évolution, et puis en lisant le début de cette article j'apprend que êut être l'envie de tout arrêter est là. Alors je me dis mince, pourquoi pas plus tôt ? pourquoi si vite ? Alors je me dis que comme avant je n'aurais qu'un seul endroit où aller pour apprendre à te connaitre, un peu. C'est dommage, simplement. J'aurais aimé en savoir plus sur toi, j'aurais aimé peut être te connaitre. Pour l'instant tu n'est qu'une page, enfin deux pour être précis. Pourquoi cette envie ? peut être tout ce mystère qui pour moi t'entoure, je ne sais pas.

Alors ça ne servirait à rien surement de te dire tout ce que je viens de dire, mais voilà il fallait que je te le dise, simplement. Peut être qu'un jour je te connaitrais, alors si il existe, je l'attends.


 
Feu
Feu
26-08-05 à 23:16

Re:

Merci, merry, pour tous ces mots. J'aurais aimé répondre plus longuement à cela, mais actuellement, je n'ai pas le temps, pas du tout... Alors, réponse expéditive de fin de soirée, tu me pardonneras, j'espère.

Envie de prendre un peu d'espace, un peu d'air d'avec le net, je crois... Mais ça n'est pas fini, bien évidemment. Juste pour quelques jours, quelques semaines, le temps de la "remise en route de rentrée". La plume de Feu courra encore sur de nombreuses pages, je pense!

L'attrait pour cet endroit, que tu as, me touche beaucoup, vraiment. C'est peut-être bête, mais je trouve ça beau, en soi-même, cette envie de connaître quelqu'un à partir d'une page laissée à l'abandon, jamais vraiment commencée... Ca me fait sourire, dans le sens "ça me fait plaisir", enfin, ça m'émeut. Je m'exprime mal, je n'arrive pas à formuler ce que voudrais dire!
Peut-être aurons-nous l'occasion de nous connaître, si le temps le permet. Qui sait? Il faudra juste sans doute attendre mon 'retour' à l'écriture, plus définitif, puisqu'en ce moment, je prends de l'air... J'en ai besoin.

Alors, merry, encore merci pour tes mots, et sans doute à bientôt.